Vision globale, constance & force des bras
Il faut dire qu’elle n’a pas ménagé sa peine. En s’inscrivant dans une démarche complètement artisanale elle maîtrise de très près toute la chaîne de l’édition, mais elle fait aussi… tout elle-même.
C’est le cas pour la partie artistique bien sûr dans laquelle elle impulse et coordonne tous les choix et le travail des différents intervenants (artistes, designers, imprimeurs) mais ça l’est aussi pour les parties diffusion et distribution qui consistent, schématiquement, à, d’une part, commercialiser le livre : convaincre les libraires de le vendre ; et, d’autre part, assurer la logistique des échanges entre imprimeur et revendeur ainsi que les mouvements comptables qui vont avec. Elle a pris en charge elle-même ces tâches, habituellement dévolues à des professionnels spécialisés dans le cadre d’un circuit plus classique. Ce qui signifie qu’elle est allée démarcher chacun des libraires elle-même et que c’est elle qui livrera chaque nouvel exemplaire mis en vente en puisant dans un des nombreux cartons qui encombrent son appartement. Quand vous écrivez aux éditions c’est aussi elle qui répondra à votre mail, de même que c’est elle qui préparera votre commande en ligne.
Bien sûr, cet « engagement » est le lot de la plupart des petits éditeurs indépendants, mais Marie Sepchat y ajoute une caractéristique un peu moins partagée concernant le mode de financement des ouvrages.
Avec le coût de production élevé (le niveau qualitatif moyen des livres est assez haut, augmentation constante du prix du papier, etc.), les marges faibles, le nombre important de livres, les éditeurs ont tendance – et c’est bien compréhensible – à sécuriser les opérations dans lesquelles ils se lancent en conditionnant leur intervention à l’apport d’un financement extérieur (subventions, mécénat…) pour tout ou partie du coût du livre, ou en demandant à l’auteur de partager certains frais. L’idée qu’on se fait d’un éditeur envisagé comme quelqu’un qui parie sur un auteur n’est plus vraiment d’actualité. Seul un petit nombre investissent « à l’ancienne » sur un auteur en prenant tous les frais à leur charge. C’est la ligne de conduite que se sont fixée les éditions the(M) depuis leur création, et qu’elles ont réussi à tenir jusqu’à aujourd’hui. La prise de risque est maximale, elle signe aussi la sincérité du projet.
C’était pour Marie une condition sine qua non : ne rien demander à l’auteur et lui permettre de ne pas perturber son geste créatif avec d’autres considérations. Au-delà de la vision artistique, il y a une réelle démarche entrepreneuriale : elle a démarré avec ses économies personnelles et réussi à produire chaque livre avec les revenus des précédents, en faisant vivre un petit écosystème d’intervenants au passage. La maison, gérée en « bon père de famille » a, en outre, développé un chiffre d’affaires stable – se partageant entre librairies, vente en ligne, et foires – qui nourrit son homme presque depuis ses débuts. Certes, la jeunesse de l’entreprise, la volatilité du marché et l’ésotérisme de ce qui fait ou non un succès invitent à une prudence raisonnable, mais les voyants semblent plutôt au vert.