Loin d’être un simple phénomène de mode, l’écologie et l’humanisme s’emparent de la création. Un mouvement de fond porté par une société qui ne veut plus seulement du Beau mais du Bien, et qui exprime à travers sa consommation, qui elle est. Les confectionneurs du luxe doivent réinterpréter leur notion de la beauté, car pour nombre d’individus, elle se conçoit désormais au sens large, comme un synonyme de nos valeurs les plus élevées.
Fondée en 2009 par Barbara Coignet, l’agence 1.618 (référence au nombre d’or, symbole d’harmonie) identifie les entreprises du luxe les plus engagées et leur apporte de la visibilité à travers du conseil en image, un marketplace et des événements grand public tels que les biennales 1.618 qui donnent un aperçu de l’offre la plus pointue en matière de luxe durable. Présentée lors de la dernière édition, on retrouve parmi les marques mises en lumière, la maison de joaillerie JEM (« Jewellery Ethically Minded »).
Construite dès ses débuts, en 2008, autour de l’engagement éthique de son fondateur Erwan Le Louër, JEM est devenue la première marque française à avoir certifié son or Fairmined, un label garantissant une extraction minière artisanale et responsable ainsi que le respect d’une charte stricte par tous les acteurs de la filière (affineurs, fondeurs, joailliers…).
Reprise en 2014 par Dorothée Contour, la marque sertit désormais ses collections avec des diamants de laboratoire. Ces gemmes ont l’avantage d’avoir les mêmes caractéristiques physiques et chimiques que les diamants miniers, sans en avoir les conséquences sur l’environnement et la main d’œuvre.
Réalisées en France dans un atelier joaillier travaillant pour les grands noms de la Place Vendôme, les créations JEM arborent des lignes géométriques et minimalistes comme en témoigne la collection Voids dessinée par l’architecte India Mahdavi. Un design intemporel allant de pair avec la notion d’objet durable et une démarche jusqu’au-boutiste pour « transmettre au-delà d’un bijou, un élan qui fasse bouger les lignes ».
Face à l’émergence d’un nouveau profil de consommateurs du luxe, sensible à l’écologie ainsi qu’aux enjeux sociaux et sociétaux, le secteur n ’a d’autre choix que de se réinventer. Les « Social Wearers » – c’est le nom que le Boston Consulting Group leur a attribué lors d’une récente étude – ont vu leur part de marché doubler en l’espace de 5 ans (2013-2017) et se classent parmi les « top consumers » qui tirent le marché.
Pour cette clientèle, les notions historiques de rareté, de savoir-faire et de privilège ne suffisent plus à être garantes du « vrai luxe » ; elles doivent désormais être associées à celles de préservation des ressources, d’éthique et d’innovation. Un dernier point essentiel pour trouver des alternatives pérennes aux matières premières dont l’exploitation s’avère polluante, toxique pour l’Homme ou négligente concernant le bien-être animal.
Les groupes Kering et LVMH ont ainsi fait de la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement, un point clé de leurs stratégies de développement durable. Cela s’illustre par exemple chez LVMH par La Maison des startups, un incubateur au sein duquel figurent des entreprises qui élaborent des matériaux à fort potentiel, à l’image du bois augmenté translucide de la startup Woodoo, dont l’usage pourrait s’appliquer à l’architecture comme au design. Kering, quant à lui, leader mondial sur les sujets du développement durable dans le secteur du luxe*, met à disposition de toutes ses maisons, le Material Innovation Lab, une matériauthèque réunissant plus de 3000 échantillons textiles issus des biotechnologies ou de fibres recyclées. Le groupe, dirigé par François-Henri Pinault, met un point d’honneur à partager en open source ses propres outils et solutions afin d’encourager l’ensemble des industries du luxe et de la mode à s’engager vers des modèles de production plus vertueux.
L’innovation a aussi son rôle à jouer dans la valorisation des matières premières et savoir-faire traditionnels. Ainsi, le label Nativa Precious Fiber, instauré par le groupe français de fibres haut de gamme Chargeurs Luxury Materials, peut assurer la traçabilité de sa laine mérinos grâce à la technologie blockchain, une base de données publique ou privée infalsifiable, qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre les différents acteurs de la chaîne de production.
Comme le précisait Déborah Berger, directrice générale adjointe en charge du développement chez Chargeurs Luxury Materials lors d’une interview pour FashionNetwork, « de nombreuses marques achètent des produits finis ou semi-finis et n’ont pas de visibilité sur la provenance de la matière initiale. L’idée derrière le label Nativa Precious Fiber est donc de redonner à ces marques le contrôle sur les différentes étapes de production tout en s’engageant en faveur des travailleurs, de l’animal et de l’environnement. »
La mode connaît actuellement de grandes mutations – ce qui fait par ailleurs l’objet d’une forte médiatisation. Pourtant, affirme Barbara Coignet, « il s’agit là de l’un des secteurs les plus en retard sur les sujets du développement durable. A contrario, d’autres filières comme la cosmétique, enregistrent des avancées exceptionnelles depuis de très nombreuses années. »
L’agence 1.618, qui tient donc aussi à mettre à l’honneur les initiatives responsables des autres secteurs du lifestyle, fait ainsi cohabiter sur ses salons des marques telles que Jaguar (et son I-Pace 100% électrique), Cha Ling (gamme cosmétique « née d’un rêve écologique ») ou encore Ôzento (solutions d’habitat, intelligentes et immersives).
Le luxe durable ou « Slow luxury » nécessite une nouvelle approche de création, où il faut prendre en compte la valeur immatérielle du produit, le sens qu’on y introduit tout au long de la chaîne ; une philosophie chaque jour un peu plus adoptée par des entreprises naissantes qui portent dans leurs gênes l’esprit du 21e siècle, comme c’est cas pour Maison Crivelli, inaugurée en octobre 2018.
Après 10 années passées au service des divisions de parfums de grands noms de l’industrie du luxe, c’est une envie latente d’entreprendre et une approche davantage artistique du parfum qui a finalement conduit Thibaud Crivelli à créer sa propre marque.
Associant depuis toujours les senteurs à des textures, des saveurs, des lumières ou des sons, le fondateur a fait appel à 5 nez différents pour traduire ses visions esthétiques en compositions olfactives. En résulte des fragrances où se côtoient à titre d’exemple, la rose Centifolia et les embruns salés, l’absinthe et les aurores boréales.
Mais le « Slow perfume » de Maison Crivelli s’illustre aussi en termes plus concrets. Formulés sans phtalates ni colorants de synthèse, les jus sont concentrés dans des flacons fabriqués puis montés à la main en France. Une attention particulière est portée aux matériaux d’emballage afin de réduire leur impact carbone et aucun test n’est effectué sur les animaux. Par ailleurs, la marque privilégie, dans la mesure du possible, des matières premières issues de cultures responsables et apporte dans cette perspective, son soutien à l’association Cœur de Forêt pour favoriser le développement de filières durables de patchouli en Indonésie. Cette démarche progressive de responsabilisation a pour dessein d’offrir au client des parfums exemplaires, susceptibles de le reconnecter à la nature comme à son propre imaginaire.
Résilience, c’est peut-être le mot qu’il faut associer à ce mouvement global qui consiste à appréhender les problématiques de notre époque comme autant de sources d’innovation et de créativité. Laisser le temps aux choses de se mettre en place ; c’est parfois tout un modèle d’activité qu’il faut revoir et les paramètres à modifier sont souvent sous-estimés par le grand public. Mais la machine est lancée, un nouveau luxe émerge et reflète dans la matière la vision qu’a l’Homme de la beauté.
* Selon le classement « Global 100 » 2019 de Corporate Knights, élaboré à partir d’une liste d’environ 7 500 entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard de dollars.
L’agence 1.618
@1.618paris
1618-paris.com
JEM, boutique au 10 rue d’Alger, Paris 1er
@jem_jewellery
jem-paris.com
Amédée 1851, écharpes en laine mérinos extra-fine du label Nativa Precious Fiber
nativapreciousfiber.com
@amedeeparis
amedeeparis.com
Maison Crivelli, parfums disponibles sur l’e-shop et au Bon Marché Rive Gauche, Paris 7ème
@maisoncrivelli
maisoncrivelli.com