Publié le 22 septembre 2022
Temps de lecture : 3 minutes

Jean-Michel Fauquet, Balzac et sa robe

TEXTEBENOÎT PELLETIER
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La belle idée que de confier à Jean-Michel Fauquet un travail autour de l’œuvre et du personnage de Balzac. Alors que l’écrivain était un observateur sans complaisance du manège des hommes entre eux, Fauquet, lui, n’a d’appétit que pour l’étude des ressorts insondables et mystérieux de l’homme en tant qu’individu. Deux regards qui observent le même monde depuis deux points de vue à peu près opposés.

Fauquet, c’est une sorte de vulcain en chambre qui forge avec constance un monde parallèle. Depuis son atelier, il est aussi un explorateur, mais un explorateur de l’intérieur de lui-même. Une sorte de démiurge miniature qui modèle son œuvre, sa créature, selon des règles dont il est le seul maître en cheminant sur une voie qu’il a lui-même tracée.

Il dessine, sculpte, peint, façonne à grands traits un monde de carton. Il photographie, peint à nouveau, dessine à nouveau, patine avec de la cire… Il n’est photographe qu’entre autres choses. La photographie n’est qu’une partie du processus. Les images d’objets ou de situations mises en scène, et dans lesquelles il apparaît parfois, sont domptées par sa main, dominées par son geste. Il en résulte des œuvres qui semblent sortir tout droit des ténèbres, mais après un long chemin. C’est noir, épais charbonneux, sourd…
Deux personnages assis face à nous, emballés dans des étoffes jetées à la hâte masquant jusqu’à leurs visages, semblent attendre. Un bouquet de fleurs livre sa vraie nature de papier mâché. Une sorte de tour de Babel de carton est le sujet d’une mise en scène dans un studio dont on perçoit les contours, un personnage attablé fait disparaître sa tête dans son manteau…. On y voit un monde mystérieux, dont on sait d’emblée qu’il ne livrera pas tous ses secrets. On est pourtant aimanté par son obscure beauté, qui nous attire irrésistiblement comme une sirène de charbon. Il aura accouché d’une vision, sans titre et sans récit, un matériau brut. À nous de jouer maintenant, c’est au spectateur de laisser la capacité de révélation de l’œuvre agir.

Jean-Michel Fauquet est né en 1950 à Lourdes. Après des études d’arts plastiques il part au Canada pour douze ans où il enseigne la photographie à l’université. C’est seulement à son retour en France qu’il commence à exposer. Plus d’une trentaine d’expositions à ce jour. Il est présent dans les grandes collections publiques, et a publié une vingtaine de livres et de catalogues.

Pour son exposition, de Balzac, Fauquet est frappé par la robe. Celle dans laquelle l’enveloppe Rodin dans son « Monument à Balzac », une commande passée par «La société des gens de lettres», sur une idée d’Alexandre Dumas. Inauguré, au terme d’un processus assez chaotique, en 1939 sur le terre-plein du Boulevard Raspail, le monument montre l’écrivain dans un vêtement qu’on penserait être un grand manteau. C’est en fait une robe de chambre blanche de dominicain, une robe de moine en même temps qu’un vêtement d’intérieur. Fauquet y voit lui une robe de juge : «Le vêtement que revêt l’écrivain est une robe de magistrat, car une telle robe de chambre ne convient qu’à une chambre correctionnelle. » Le commissaire de l’exposition Alain Sayag explique : « Balzac est donc celui qui juge, non seulement la société bourgeoise et étriquée de son temps, mais aussi notre temps où la renommée est virtuelle et éphémère.» Fauquet rend palpable cette dérision avec sa sculpture qui n’a du bronze qu’une apparence grossière sans consistance. Autour d’elle, l’installation présente des dessins et études. Aux murs, les œuvres de la série « robe de chambre». « Pour Jean-Michel Fauquet la comédie humaine est bien cette comédie des apparences, des illusions que rien ne vient masquer, explique Alain Sayag. Des formes vides et inconsistantes auxquelles tout l’art de Jean-Michel Fauquet est de donner, malgré tout, une présence, une réalité qui s’impose à nous avec une évidence cruelle et aveuglante.»

JEAN-MICHEL FAUQUET, « LE CODE DES GENS HONNÊTES »
DU 4 NOVEMBRE AU 11 DÉCEMBRE À LA ROTONDE BALZAC
11 RUE BERRYER, 75008 PARIS
jmfauquet.weebly.com

Esquisse de Jean-Michel Fauquet présentant la scénographie pour « Le Code des gens honnêtes », ensemble d’œuvres commandé à l’occasion de Photo Days.