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Laurel Parker Book, Tous les possibles du papier

À Romainville, Laurel Parker Book est un lieu dédié aux livres d’artistes, au croisement de la galerie d’art, la librairie et l’atelier de design et fabrication.

À la tête d’une structure aux multiples projets, sa fondatrice et directrice artistique, la pétillante Laurel Parker – ancienne étudiante de la School of the Museum of Fine Arts de Boston (Etats-Unis) – est une artiste américaine arrivée en France voici plus de quinze ans. Outre-Atlantique, à Boston, puis à l’université Tufts, elle s’était plutôt consacrée à l’image, au film et à la peinture. « Je réalisais des films en 10 ou en 16 millimètres et j’aimais beaucoup ça. Mais, dans un cours de mon école des beaux-arts, j’ai découvert l’univers du livre d’artiste. J’ai tout de suite aimé cela : le design, le graphisme, l’objet, le rapport à la matière, au papier, les techniques d’impression. Il y a là toute une chaîne de création qui me passionne. » Si la jeune diplômée devient tout d’abord l’assistante d’un photographe, le livre d’artiste demeure l’endroit d’une recherche personnelle. Arrivée à Paris pour y travailler dans l’atelier parisien du photographe, elle le quitte rapidement pour se plonger dans cette activité de création qui lui sied un peu plus. « Je ne pense pas que l’on puisse aimer le travail d’un seul artiste, j’avais besoin de découvrir d’autres formes de création. » Le temps de la création de son atelier fut « long et difficile » – elle le reconnaît aujourd’hui – mais Laurel Parker se fait rapidement un nom dans ce petit milieu de l’édition de livre d’artistes.

Depuis 2008, elle conçoit des livres, des boîtes et des multiples pour les artistes et les éditeurs, ainsi que pour les agences, les maisons de luxe, les institutions et le secteur privé. Parmi ses clients, Cartier, les éditions Louis Vuitton, Hermès ou encore Studio KO, Magnum Photos, les éditions Xavier Barral… Artiste, Laurel Parker l’est. Par sa formation comme par l’approche qu’elle a de son métier. Elle aime « le travail collaboratif » qui l’associe à un artiste dans la réalisation d’un livre et regrette d’ailleurs qu’en France « on sépare art et artisanat ». À ses côtés depuis 2011, Paul Chamard. Ancien stagiaire, il est le chef de production de l’atelier. Il a étudié la gravure à l’École Estienne et obtenu un Master en option objet-livre à la Haute École des Arts du Rhin de Strasbourg. « Dans notre duo, explique Laurel Parker, je suis plus impliquée dans le design des livres d’artistes, la réalisation des prototypes, une partie de la production. Paul est responsable de la fabrication quotidienne des projets à l’atelier ainsi que des techniciens qui y travaillent. Il est par ailleurs très à l’aise dans la réalisation des boîtes et coffrets que l’on peut nous demander. » Ensemble, en 2019, ils ont été lauréats de la Villa Kujoyama, l’équivalent de la Villa Médicis, mais au Japon. Ils y ont travaillé sur le papier japonais washi, très différent de ce que l’on connaît en Europe. « Il est conçu à partir de trois plantes (kozo, gampi, mitsumata) que l’on ne connaît que sur l’archipel. Il est très fin et très solide. On l’utilise pour toutes sortes de choses : des vêtements, des cloisons… Il est élastique, translucide… et très inspirant pour nous ». Ils ont réalisé là plusieurs installations en papier washi, présentées depuis à la Collection Lambert, à Avignon, et au Musée de la Chasse et de la Nature, à Paris. « Nous en avons aussi gardé quelques idées pour une autre partie de nos activités liées à la conservation d’œuvres historiques ». Un autre volet de l’activité de l’atelier.

Livre d'artiste réalisé dans le cadre du projet "Toucher-voir" confié à Marie-Ange Guilleminot par Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera. Il est destiné à tous mais principalement aux mal voyants.
L'atelier Laurel Parker Book © Grégory Copitet
Laurel Parker, fondatrice © Marc-Antoine Mouterde

Lorsque les artistes arrivent devant le bureau de Laurel Parker, ils ont généralement une idée bien définie du concept de leur projet. À elle de partager sa vision de l’œuvre « sans jamais rien leur imposer » et de les guider avec des solutions techniques et artistiques adaptées. « J’essaie de traduire leur désir artistique, d’affiner l’objet dans lequel ils se projettent en leur ouvrant d’autres possibles », témoigne-t-elle. Pour une boîte ou un coffret accueillant une œuvre, l’objectif est de respecter l’œuvre de l’artiste, « sans l’écraser ». Si parfois le projet semble si fou qu’elle peine à y croire, c’est pourtant à elle de lui donner un tour concret. « Nous avons créé un livre avec trois artistes plasticiens et un auteur iraniens (Ramin Haerizadeh, Rokni Haerizadeh, Hesam Rehmanian et Vahid Davar), à distance car ils vivent éloignés de la France. Il s’agissait de recréer un atlas du monde, mais du point de vue des migrants qui le parcourent. D’anciens altas achetés sur Amazon étaient découpés, réagencés, des textes et des images collés sur des morceaux de couvertures de survie. » Un projet très complexe, mais qui a vu le jour. Le British Museum a acquis le premier livre ainsi réalisé et produit par la galerie In Situ-Fabienne Leclerc, le Musée d’Art et d’Histoire de Genève le second. La création est longue – de trois semaines pour une boîte à plus de six mois pour un livre –, les prototypes multiples avant d’atteindre l’objet final ; le travail est manuel pour toutes les étapes de la fabrication et les coûts sont assez élevés. Les artistes se tournent vers Laurel Parker et Paul Chamard après avoir obtenu une ou plusieurs bourse(s) de création, ou lorsqu’ils sont accompagnés de maisons d’édition ou galeristes souhaitant porter ce projet.
L’atelier Laurel Parker Book peut aussi se lancer dans la production d’un livre d’artiste ou d’un objet, en tant que maison d’édition. Une option rare mais réelle lorsque Laurel Parker partage une vraie connivence avec un artiste et que la reconnaissance de celui-ci ou de celle-ci lui laisse entrevoir la possibilité, un jour, d’équilibrer pour le moins les coûts afférents au projet. Ce fut le cas, voici quelques années, avec Françoise Pétrovitch, dans une recherche sur la figure de l’oiseau, et qui aboutit alors à la réalisation d’un objet singulier, entre boîte à spécimen et mini-théâtre d’inspiration japonaise. 17 exemplaires tirés en 2020.

Coffret contenant des photographies de Dove Allouche, représentant le spectre d'émission atomique des éléments du tableau périodique
Paul Chamard, associé de Laurel Parker et chef de production de l'atelier
Tetra Pack en washi, exposés à la collection Lambert © Louise Quignon - Hans Lucas pour Viva Villa
5M d'Emmanuelle Fructus, tirages argentiques incrustés entre deux blocs de verre
Installation réalisée suite à la résidence à la Villa Kujoyama © Louise Quignon - Hans Lucas pour Viva Villa

Parmi ses plus grands souvenirs, Laurel Parker a aussi à l’esprit la réalisation d’un livre avec Mark Dion, artiste plasticien américain de grand renom, dont la recherche artistique se teinte d’anthropologie. « Il s’agissait d’un carnet de voyage, fait de fac-similés de textes et de croquis sur l’Amazonie. Une coproduction de la galerie In Situ, Christophe Daviet-Théry et XN Éditions, un livre relié en buffle rouge et papier Zerkall, intégrant une pochette en toile avec quelques tirages et deux mini-livres. » C’était en 2007, peu de temps avant la création de l’agence. Elle exerçait alors en freelance.

Aujourd’hui, c’est vers le Japon, à nouveau, que Laurel Parker et Paul Chamard aimeraient se tourner. Ils rêvent de s’y rendre à nouveau d’y poursuivre leurs explorations sur le papier. « Là, avec le papier washi, nous avons approché autre chose dans notre travail : le volume, les trois dimensions, la possibilité d’imaginer des installations », ajoute Laurel Parker. Désormais galerie d’art membre de Komunuma, dotée d’espaces qui permettent aux artistes d’y présenter leurs travaux, c’est aussi à cet endroit que le duo de designers entend se positionner. Maison d’édition, galerie d’art, librairie, atelier de design et de fabrication, Laurel Parker Book est un lieu où s’inventent toutes les relations à l’art : on y crée, on y fabrique et l’on peut aussi y voir, découvrir, et s’élever.

Laurel Parker Book
43, rue de la Commune de Paris
93230 Romainville
www.laurelparkerbook.com
IG : @laurelparkerbook

Initial LABO : à l’écoute des projets des photographes

Le laboratoire de tirage photographique situé à Boulogne-Billancourt propose des accompagnements sur mesure. Depuis 2018, il a su s’implanter dans le paysage des festivals photo en France et défend une expertise à 360 degrés. Visite.

C’est un bâtiment en brique avec de larges verrières situé au cœur d’un quartier résidentiel. Au sous-sol, ce matin-là, ça fourmille d’activités. Deux photographes sont en train de faire des tests auprès d’un des tireurs de la maison pendant qu’un autre supervise les retouches sur un ordinateur. L’artiste Sophie Hatier regarde une large photo d’un mètre sur un mètre qui vient d’être tirée : la vue d’une cascade en Norvège qu’elle a prise l’été dernier et qu’elle va exposer dans le cadre du festival Photo Days qui se tiendra tout le mois de novembre à Paris. À côté, le photographe Olivier Culmann est là pour les prochaines images qu’il va exposer au festival Planches Contact à Deauville : des vues de bureaux de l’administration normande. « Celle-ci j’aime bien, celle-là on pourrait lui donner un peu plus de pep’s, ici un peu plus de lumière » dit-il en analysant les tirages, lunettes sur le nez, en fin observateur.

« Depuis notre existence en 2018, nous travaillons avec de nombreux partenaires comme le Festival Planches Contact de Deauville, la Fondation Carmignac, Visa pour l’image, la Fondation des Treilles » détaille Denise Zanet, fondatrice du labo et de citer aussi le festival de La Gacilly en Bretagne qui a été le premier à les solliciter. « Au départ, en 2000, mon mari et moi avons créé Métropole, une société qui vend aux annonceurs de grands espaces publicitaires, comme les façades des musées ou des immeubles haussmanniens pendant les travaux de ravalement. Cette expertise de l’image que nous avons développée depuis plus de vingt ans nous a poussés à nous lancer dans l’aventure du laboratoire photographique. Nous avons donc racheté Initial LABO qui existait depuis 36 ans et vivait une situation critique, allait mettre la clef sous la porte. »

 

Challenge

Certains salariés sont restés, d’autres sont partis, et Initial LABO a fait peau neuve : de grands travaux ont eu lieu dans cet espace de 600 m2 pour accueillir au mieux les projets des photographes. « Nous sommes vraiment dans un lien de confiance, on essaye de marcher main dans la main avec les photographes. Notre avantage, c’est l’expertise que nous avons avec Métropole. L’expertise des grands accrochages publicitaires nous permet de répondre à des demandes de festivals photo qui souhaitent exposer dehors ou dans des formats exceptionnels. » explique Denise. Il n’est en effet pas rare que les artistes ou les directeurs de festivals demandent des choses pointues, nouvelles, hors-normes comme ce fut le cas en 2021 avec l’installation en arrière-plan de l’horloge du hall de la Gare de l’Est imaginée par Noémie Goudal dans le cadre de Photo Days. Cela vient challenger le labo qui tente de répondre de la meilleure façon. « C’est du donnant donnant, précise Denise. Nous faisons de la recherche pour trouver la meilleure manière de présenter une photographie. Nous essayons d’intégrer toutes les contraintes des artistes et des organisateurs d’événements photographiques. Cela comprend aussi les contraintes écologiques. Nous travaillons parfois par exemple avec du papier recyclable, vertueux pour l’environnement. »

Franck Seguin photographiant Yonnel Leblanc (Initial LABO) réalisant des tirages pour une vente aux enchères du journal L'Équipe
Exposition National Geographic sur les grilles du Sénat en 2023

600 livres

À côté du labo, une galerie et une librairie de livres photos viennent ancrer plus profondément la dimension artistique du lieu. « Nous sommes aux services des artistes et je suis fière de vous dire qu’aujourd’hui nous avons plus de 600 titres dans notre librairie », assure Denise. « Pour nous c’était important d’avoir un lieu ouvert sur la rue, pour faire venir les gens à nous, un lieu convivial. Nous continuons aussi les missions du labo d’avant, c’est-à-dire les photos d’identité, le développement de pellicules de photographes amateurs, etc… »

En parlant du métier de tireur, Denise Zanet affirme qu’il faut avoir une « hypersensibilité » qui permet d’être force de proposition devant le photographe tout en laissant la place à ce dernier pour qu’il s’exprime. Ce que confirme la photographe Sophie Hatier : « Les tireurs sont très à l’écoute. Ils accompagnent vraiment le photographe dans toutes les étapes. » Ainsi l’artiste réalise six grands tirages pour le festival Photo Days qui seront aussi encadrés par le labo.

 

1000 photographies

En plus de donner des conseils aux photographes, la démarche de Denise et son mari consiste à vouloir faire découvrir le métier de tireur au plus grand nombre. Pendant le festival Photo Days, un atelier sera justement organisé au labo pour présenter aux amateurs ce qu’est le métier de tireur et comment ce dernier travaille main dans la main avec les photographes.

Avec le succès de la société Métropole et la bonne stabilité du labo, Denise et son mari ont aussi développé une action de mécénat à destination des photographes brésiliens – le pays d’origine de Denise. « Nous travaillons à constituer, en partenariat avec la Bibliothèque Nationale de France (BNF), l’une des plus grandes collections de photographies brésiliennes en dehors du Brésil, avec à ce jour plus de 1000 photographies de 49 photographes brésiliens. » De quoi ancrer encore davantage Initial LABO dans le paysage photo en France.

Tirage et accrochage des images de Vee Speers pour le festival photo La Gacilly 2023
Denise Zanet © DR
Exposition de Changnam Lee à Initial LABO en 2022

Initial Labo
62 av. Jean-Baptiste Clément
92100, Boulogne-Billancourt
initiallabo.com
IG : @initiallabo

Costanza Gastaldi: En un geste, la réalité et le mystère

La photographe italienne, installée à Paris, nous entraîne dans ses pérégrinations au cœur de la jungle de Paranapiacaba, au Brésil, où s’entremêlent rêve et réalité, texture et contraste, sensibilité et poésie.

 Le portfolio de Costanza Gastaldi nous fait cheminer de paysages en atmosphères, d’histoires en mystères. Cette ancienne diplômée de l’école des Gobelins et d’un master en sciences des arts et des lettres à l’université de la Sorbonne est parvenue en seulement cinq ans à se faire un nom sur la scène photographique.
Ses œuvres procèdent d’une fusion entre tradition et innovation. Celle qui souffle cette année ses trente printemps est une adepte de l’héliogravure, une technique du XIXe. Ce procédé d’impression, dont le principe est de produire une image à partir d’une matrice en cuivre, elle-même gravée par la lumière, permet une restitution très délicate avec une profondeur particulière. Sa mise en œuvre nécessite un savoir-faire exceptionnel et assez rare. « Je l’affectionne particulièrement car elle remet en valeur l’artisanat, souvent oublié dans la photo, explique-t-elle. Sur certaines images, je recolorise à la main et j’emploie en moyenne 25 heures pour chacune d’elles avec l’aquarelle. J’accorde une importance capitale à la matérialité, comme les papiers rares pour restituer le concept de chaque série. » Avoir recours à ce procédé a un coût très élevé. Choisir cette voie est une vraie preuve d’engagement de la part de l’artiste qui doit mobiliser beaucoup de moyens.

Entre onirisme et réalisme

C’est tout le savoir-faire de Costanza Gastaldi que de mêler onirisme et réalisme en une seule image. Capturer tout à la fois la beauté, l’étrangeté et le mystère des environnements luxuriants, montagneux, collinaires ou glacés. Ses séries The Loto Nero, Loto Nero Color Rebirth, Géographie sentimentale ou encore Combien d’hiver as-tu ? sont une interaction entre la photographie, la peinture et le paysage. Ses vues nimbées de brume filtrant une lumière surnaturelle transforment le présent pour un futur énigmatique. « Il y a toujours une tension dans les différents plans de mes images qui invite le regardeur à poursuivre son discours narratif. » Ses expéditions se révèlent être des témoignages puissants où rêve et réalité se confrontent, nous embarquant « dans les montagnes chinoises, au-dessus du cercle polaire arctique ou dans le désert blanc ».

Pas étonnant que cette Edgar Allan Poe de la photographie attire les regards de la profession entre les expositions, les récompenses et les galeries qui la représentent. En 2023, elle a remporté une résidence artistique au Brésil initiée par Photo Days dans le cadre des lectures de portfolio 2022. Une collaboration avec le collectif Iandé et le Festival Foto Paranapiacaba, qui aborde les problématiques sociales et environnementales de cette région latine oubliée. Costanza Gastaldi a ainsi arpenté la forêt tropicale de Paranapiacaba. Ce petit village, sis à une quarantaine de kilomètres de São Paulo, dédié à la caféiculture et à l’activité ferroviaire, regorge d’histoires, de légendes et de mystères.

À travers sa série Oro Negro (nom du café pendant l’époque coloniale), ses déambulations sensibles se transforment en un voyage dans le temps, au cœur du XIXe siècle. Pour la première exposition de ce travail en novembre, dans le cadre de Photo Days, les images seront réalisées par impression pigmentaire. Pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de la piézographie, qui soigne particulièrement les noirs et les blancs. « Cette technique d’impression à base de huit encres, composées de pigments au charbon, confère un rendu velouté, qui donne vie à la brume, souligne-t-elle. Produire une série d’images en héliogravure nécessite un temps très long, je dédie donc cette technique à une exposition plus lointaine, en 2025, l’année du Brésil à Paris. »

Aux confins de la jungle brésilienne

Son approche de la photographie se marie à merveille avec la picturalité de l’espace sauvage, silencieux et infini. Il en ressortirait presque quelque chose d’hypnotique. « J’interprète les paysages toujours de manière sentimentale et émotionnelle, plutôt que physique et géographique. Ce lieu est fascinant, il est le dernier petit village avant la jungle. C’est ici que les colons anglais ont décidé de faire passer la ligne ferroviaire pour acheminer dans les capitales le café, l’argile et le fer. »

Son œuvre témoigne d’une approche sensible du médium entre le classicisme de la pratique et la modernité de son regard. « Je garde en mémoire l’image que j’ai capturée à 4h30 du matin avec cette lumière dorée qui tombe sur les ruines d’un ancien hôpital. Cette brume coutumière est à l’origine d’un bon nombre de légendes. Deux autres montrent encore cette nébulosité qui envahit le village, provoquée par la vapeur des courants de l’océan Atlantique. Mon choix de la couleur non couleur donne cet aspect fantasmagorique entre lumière et ombres chinoises. »

 Costanza Gastaldi présentera un solo show à Hong Kong de sa série Erosiva, qui sonde la maladie, et une exposition immersive à Art Genève en janvier 2024, en collaboration avec un DJ de deep techno. Sur le thème de la méduse, elle présentera des images sur les sons qu’il a reproduits de la nature.

photo4food : l’art de la photo solidaire

Avec la fondation qu’ils ont créée, Olivier et Virginie Goy entendent aider les plus démunis, tout en assurant la promotion de la photographie et de ses auteurs.

Il suffit parfois d’un hasard, d’une rencontre, de quelques mots échangés pour que naisse une belle idée. C’est ce qui s’est produit lorsqu’Olivier Goy, entrepreneur, fondateur de la FinTech October, et grand amateur de photo, lui-même photographe, prend part à un stage de photo. Nous sommes à Venise, voici quelques années, dans le cadre du festival Venezia Photo, et l’immense photographe Albert Watson encadre le groupe de stagiaires prenant part à sa masterclass. Là, Olivier Goy échange avec quelques photographes présents qui, tous, témoignent de leur difficulté à faire connaître leur travail, à le rendre visible par le plus grand nombre. Produire des tirages lorsque l’on a peu de moyens, trouver des lieux pour être exposé alors que l’on n’est trop peu connu, il y a là un cercle vicieux auquel le passionné qu’est Olivier Goy entend échapper. Lui-même a découvert la photographie il y a de cela des années, lorsqu’après avoir hésité de longs mois, passant et repassant devant une boutique, il a poussé la porte et fait l’acquisition de son premier boîtier Leica.

Son idée est simple, au croisement d’un engagement humanitaire et d’un soutien à la jeune photographie, il imagine demander à de jeunes photographes de céder une photo à la fondation qu’il souhaite créer. Celle-ci la mettrait en vente, l’intégralité de la somme collectée bénéficiant à un organisme qui lutte contre la faim et la précarité. En contrepartie de ce don, la fondation s’assurerait aussi de rendre visible le travail de ces photographes en organisant des expositions et des événements autour des ventes organisées. C’est ainsi qu’est née photo4food. Depuis sa création, fin 2019, et bien que la crise sanitaire ait freiné ses projets comme bien d’autres, photo4food a reversé 600 000 euros à des associations humanitaires. « La première que nous avons aidée, ce sont les Restos du Cœur, dont le point de distribution se trouvait juste en face de nos bureaux, témoigne Virginie Goy, l’épouse d’Olivier Goy et co-dirigeante de la fondation. Puis est venu Le Chainon Manquant qui lutte contre le gaspillage alimentaire, récupère ce qui n’est pas consommé dans les restaurants d’entreprises pour le redistribuer ensuite, La Croix Rouge bien sûr, ou encore Paris Tout P’tits qui s’attaque à la précarité des bébés nés dans des familles démunies. »

Vente aux enchères du « Grand Dîner »

Si de jeunes photographes ont été séduits par le projet dès le début, d’autres, plus confirmés, sont venus les rejoindre. Par goût pour cet engagement collectif en soutien à la photographie comme par esprit de partage et désir de mettre leur art au service du bien commun. Ils sont 32 aujourd’hui à faire don de quelques-unes de leurs œuvres à la fondation photo4food. Emmanuelle de L’Ecotais, la directrice du festival parisien Photo Days, en assure la direction artistique. Autour d’elle, la fondation s’emploie à organiser des événements qui rendent les photographes donateurs un peu plus visibles dans cet univers concurrentiel. C’est ainsi que l’exposition Partage a pu être organisée l’an passé à l’Hôtel de Sauroy, un lieu important pour la photo, où ont été exposées 80 œuvres des photographes engagés auprès de la fondation. De la même façon, un « Grand dîner » végétarien orchestré par les chefs étoilés Akrame Benallal et Alain Ducasse a été organisé voici deux ans au Palais de l’Institut de France, suivi d’une vente exceptionnelle aux enchères sous la houlette d’Artcurial. Une opération appelée à être réitérée. En effet, si elle a mis en valeur les œuvres et leurs auteurs, elle a également permis à Olivier et Virginie Goy d’amplifier leur action. « Là, j’ai pu rencontrer une représentante de Goldman Sachs, qui s’est montrée très intéressée par ce que nous développions. Depuis, nous avons signé un partenariat pour quatre ans. » Le couple Goy a ainsi pu mener à bien un de ses projets : permettre à des personnes en situation de précarité de visiter une exposition – ainsi avec « Aqua mater », rassemblant les grands formats de Sebastião Salgado, à la Défense, l’an passé – puis de prendre part à un déjeuner convivial. Cette année, pour Photo Days, c’est la Fondazione Sozzani, dans le 18e arrondissement, qui s’est portée volontaire pour accueillir ainsi des bénéficiaires d’associations caritatives, autour de l’exposition de la photographe japonaise Rinko Kawauchi. « Avec Olivier, nous aimerions leur proposer aussi un atelier photo et y inviter deux ou trois photographes qui accompagnent la fondation. Ils pourraient réaliser des portraits de qualité de ces personnes, qui pourraient ensuite s’en servir, si elles le souhaitent, dans leurs démarches administratives. Ou juste les conserver pour le plaisir », explique Virginie Goy.

Le « Grand Dîner » à l'Institut de France
Déjeuner solidaire organisé en septembre 2022 au sein de l'exposition « Aqua Mater » de Sebastião Salgado

Parmi les acquéreurs, on trouve aussi bien des collectionneurs que de purs philanthropes et des entreprises qui souhaitent les exposer ensuite dans leurs locaux tout en posant ici un acte de solidarité avec les plus démunis. « Parfois, de simples curieux nous contactent aussi, assure Virginie Goy. Ils ont flashé sur une photo vue sur une exposition ou bien cherchent à en découvrir d’autres d’un photographe dont ils apprécient l’univers. Cela n’aboutit pas toujours, mais nous avons toujours beaucoup de plaisir à échanger avec eux. » Virginie et Olivier Goy connaissent eux aussi ces amours subites et irrépressibles qui naissent de la rencontre d’un cliché. Ils sont collectionneurs de longue date et ouvrent chaque année un peu plus les horizons de leur recherche.

Une autre action exemplaire a vu le jour autour du festival Planches Contact, en Normandie, autre partenaire de photo4food. « Nous avons lancé un appel à candidature pour une bourse de résidence pour cinq photographes, choisis par Emmanuelle de l’Ecotais, Laura Serani, directrice artistique du festival et notre conseil d’orientation », se félicite Virginie Goy. Carline Bourdelas, Benjamin Decoin, Thomas Jorion, Sandra Matamoros, Julien Mignot sont les cinq résidents de l’édition 2023. La fondation photo4food finance la résidence et l’exposition des artistes au festival Planches Contact. Leur travail est exposé sur la plage de Deauville et aux Franciscaines jusqu’en janvier prochain et le fruit de la vente de leurs photographies viendra soutenir une association locale luttant contre la précarité (La Croix-Rouge). Cette opération est une belle illustration de ce que nous voulons faire, souligne Virginie Goy. Ancienne directrice financière, elle a quitté son emploi pour travailler bénévolement et à temps plein pour la fondation, et s’occuper de son mari. Olivier Goy est atteint de la maladie de Charcot depuis fin 2020. Ces derniers mois, il a pu se rendre en Antarctique. Un rêve dont il rapporte de nombreux clichés. Et quelques tirages dont il a fait don à la fondation. Photographe, collectionneur et désormais acteur engagé du monde humanitaire, il reste plus que jamais, avec son épouse Virginie, l’animateur d’une démarche philanthropique qui s’ancre chaque année un peu plus dans le paysage de la photographie.

Virginie et Olivier Goy © Stéphane de Bourgies

Far East, le Japon intime de Géraldine Lay

Ce livre est le fruit de quatre voyages au Japon de la photographe Géraldine Lay. Il s’agit là d’un Japon intime, loin des lieux touristiques et iconiques, plus proche des habitants et des villes de province. Dans un habile mélange, se côtoient la familiarité du quotidien et un léger sentiment de mystère. Quelque chose de tout à la fois banal et intriguant se passe. On ressent aussi l’aspect dense d’un environnement souvent urbain. Il en ressort des images très graphiques, aux couleurs intenses que Géraldine Lay contrebalance avec des ombres assez profondes. Les images sont livrées brutes, sans explication, au fil d’une mise en page systématique avec des pages en « pli japonais ». On remarque par ailleurs la très belle impression et la couverture souple avec une jaquette américaine qui, en se déployant, donne en grand format l’une des images de la série Far East.

Far East (2023)
Poursuite Éditions
20 x 28 cm
112 pages
30€

www.poursuite-editions.org
www.geraldinelay.com / IG: @lay.geraldine

Les éclats de vie de Rinko Kawauchi

Grande artiste assez rare, Rinko Kawauchi qui vit et travaille au Japon, présentera sa première exposition en France depuis la Fondation Cartier en 2005. Cette exposition produite par Photo Days a été pensée sur mesure pour l’espace de la Fondazione Sozzani.

On y retrouvera ce qui fait la saveur de sa photographie : une légèreté poétique et intriguante… des images dont la force repose sur leur capacité à rendre palpable, avec beaucoup de douceur, un sentiment de vie.

Rinko Kawauchi à la Fondazione Sozzani
Du 7 au 26 novembre 2023
22 rue Marx Dormoy, 75018 Paris
fondazionesozzani.org

Rinko Kawauchi à la galerie Priska Pasquer
Du 9 novembre au 10 décembre 2023
6 rue des Coutures Saint-Gervais, 75003 Paris
priskapasquer.art

rinkokawauchi.com / IG : @rinkokawauchi

Photo Days 2023

Depuis 2020, Photo Days ranime l’esprit du Mois de la Photo, réunissant sous cette bannière les principales manifestations photographiques de Paris et ses environs, soit plus de 70 événements. Initié par Emmanuelle de l’Ecotais, docteur en Histoire de l’Art, ancienne chargée de la collection photographique du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris qui en assure la direction artistique, Photo Days est porté par une association à but non lucratif dont l’objectif est de diffuser, promouvoir et soutenir la création visuelle contemporaine. L’édition 2023 regroupe plus d’une trentaine de galeries, près d’une vingtaine d’institutions dédiées au médium ou généralistes, des fondations, des instituts culturels ainsi que des lieux atypiques comme la Fondazione Sozzani (Paris 18e), la Rotonde Balzac (Paris 8e), we are_ (Paris 8e), la Sorbonne Artgallery (Paris 5e) et le Centre National de la Danse (Pantin). Outre les expositions des lieux partenaires et celles réalisées et produites par l’association elle-même découlant de cartes blanches à des artistes, ce 4e opus convie le public à de nombreux événements gratuits (sur réservation) : visites guidées d’expositions, rendez-vous privilégiés dans des institutions – Jeu de paume, les musées Carnavalet, de l’Armée, des arts décoratifs ou encore d’Art et d’Histoire du Judaïsme, le Centre Pompidou, LE BAL, etc. –, un colloque sur l’intelligence artificielle, des rencontres avec des artistes une fois par semaine à la galerie Leica… Une nouvelle fois, Paris s’impose comme la capitale de la photographie au mois de novembre !

Emmanuelle de l'Ecotais © Marjolijn de Groot

PHOTO DAYS 2023, SÉLECTION NON EXHAUSTIVE D’ÉVÉNEMENTS À NE PAS RATER
Notre sélection d’événements à ne pas rater, sous la forme d’un voyage dans l’histoire de la photographie des années 1860 à nos jours.

Commençons notre parcours par le XIXe siècle avec Julia Margaret Cameron (1815-1879) qui a donné ses lettres de noblesse au portrait photographique. Le Jeu de Paume présente la première grande rétrospective à Paris de cette pionnière anglaise sous le titre Capturer la beauté rassemblant une centaine de photographies. De son côté, le Centre Pompidou fait dialoguer sa collection avec celle de Marin Karmitz pour un Corps à corps en sept chapitres réunissant 500 photographies et documents axés sur la figure humaine. Au programme, 120 photographes du début XXe siècle à nos jours : Berenice Abbott, Richard Avedon, Henri Cartier-Bresson, Dora Maar, Vivian Maier, Annette Messager, Man Ray, Gerhard Richter, Alix Cléo Roubaud, SMITH, et bien d’autres. Au BAL, place aux histoires personnelles avec À partir d’elle, une exposition collective avec des œuvres des années 1960 à nos jours explorant le thème de la relation des artistes avec leur mère. De Sophie Calle à Christian Boltanski en passant par Hervé Guibert et Hélène Delprat, ou quand l’intime rejoint l’universel.

© Julia Margaret Cameron, I Wait, 1872
© Michel Journiac, Propositions pour un travesti incestueux et masturbatoire, 1975
© Christer Strömholm, « España 164 B » (1958-1959)

C’est côté création contemporaine que les propositions sont les plus nombreuses. Que ce soit dans les institutions, comme la Maison Européenne de la Photographie qui présente la première rétrospective en France de la néerlandaise Viviane Sassen ou dans les galeries, encore nombreuses cette année à participer à Photo Days. Leur programmation offre un panorama représentatif des tendances de la création photographique contemporaine avec une pluralité de regards, qu’il s’agisse de Thandiwe Muriu, d’origine Kényane, explorant le thème de l’identité et des racines culturelles avec des portraits mettant en scène des tissus africains chez 193 Gallery, de Morvarid K, artiste plasticienne et performeuse iranienne chez Bigaignon, ou encore des Japonaises Kimiko Yoshida et Rinko Kawauchi, respectivement chez Orbis Pictus et Priska Pasquer. Citons aussi l’Américain Gregory Crewdson chez Templon avec sa série noir et blanc « Evening side » vue aux Rencontres d’Arles cet été. À la diversité géographique répond une grande variété d’écritures photographiques, entre les classiques Marc Riboud chez Polka et la photographe de rue américaine Jill Freedman à La Galerie Rouge. Et leurs héritiers directs ou indirects, à commencer par Alessandra Sanguinetti chez Magnum Photos et Luc Delahaye chez Nathalie Obadia. Le voyage n’est pas en reste avec Paolo Roversi au Leica Store Village Royal, ni la danse avec Olivia Bee qui a suivi les chorégraphes et danseurs des premières éditions du festival Dance Reflections by Van Cleef & Arpels, à Londres et Hong Kong, à découvrir au Centre National de la Danse (CND) à Pantin. Dans ce tourbillon, coup de cœur pour Guillaume Zuili qui présente chez Clémentine de la Féronnière ses deux dernières séries sur l’Ouest américain. Comme à son habitude, le Français nous convie à une expérience visuelle exceptionnelle grâce à ses tirages réalisés à la technique du lith matérialisant l’image de manière unique. De la photographie pour tous, tous pour la photographie !

© Viviane Sassen, Estrus 2018, série «Paint Studies», 2021 (Johannesburg. Cape Town. Amsterdam)
© Thandiwe MURIU, A Cycle Of Joy
© Yoshida Kimiko, Le dit du Genji XII (Bellini), 2020
©The Jill Freedman Irrevocable, Jill, Love kills, Midtown Manhattan, New York City, 1979
© Marc Riboud, Turquie
© Morvarid K., This Too Shall Pass 1
© Paolo Roversi
© Gregory Crewdson, The Lounge
© Alessandra Sanguinetti, Fawn

Photo Days, 4e édition
Jusqu’au 3 décembre 2023
Paris et en Île-de-France
La programmation sur : www.photodays.paris
IG : @photodays.paris

Entretien avec Emmanuelle de l’Ecotais, Directrice artistique de Photo Days

En quatre ans, Photo Days s’est fait une place parmi le foisonnement des propositions autour de la photographie qu’offre le mois de novembre. Son initiatrice et directrice artistique, Emmanuelle de L’Ecotais, nous parle des spécificités de cette nouvelle édition.

 

Comment se profile cette 4e édition ?

Nous avons décidé de resserrer la programmation sur un mois pour revenir à l’esprit d’origine du Mois de la Photo en nous concentrant sur novembre. Photo Days totalise plus de 70 manifestations parmi lesquelles des projets que nous initions et finançons dans des lieux atypiques. Nous conservons ainsi notre ADN en proposant des expositions inédites dans des endroits exclusifs et habituellement fermés au public. Nous passons en effet commande à des artistes pour la réalisation de projets en liens directs avec l’espace où leur exposition est programmée. Pour cela, ils sont rémunérés, nous produisons les pièces exposées, œuvres qui leur reviennent par la suite. Ce sont des initiatives exceptionnelles de la part d’un festival. D’autant plus qu’il faut noter que Photo Days est autofinancé, par les adhésions des galeries – poste dédié à la communication – et par des sponsors privés, à l’exception de la Région Île-de-France qui nous soutient pour la première fois cette année.

 

De quelles autres manières apportez-vous votre soutien à la création contemporaine ?

Nous organisons des lectures de portfolio qui sont gratuites pour les participants et qui donnent lieu à la désignation d’un lauréat qui est invité en résidence au Brésil, en partenariat avec le Festival de Photographie de Paranapiacaba créé en 2018. Et cette année nous sommes très heureux de relancer le Grand Prix Paris je t’aime x Photo Days, qui porte sur le thème « Paris jeux », avec une très belle dotation de 15 000 € auxquels s’ajoutent une exposition à Paris et un catalogue. Le lauréat sera annoncé courant novembre pendant le festival.

 

Quelles sont les commandes aux artistes de cette édition 2023 ?

L’exposition dont nous sommes particulièrement fiers est celle de Rinko Kawauchi à la Fondazione Sozzani qui s’est particulièrement impliquée, non seulement en nous prêtant son espace mais aussi en s’impliquant dans la réalisation de l’exposition. Très facilement accessible en métro, ce lieu est un ancien bâtiment industriel de plus 450 m2 éclairé par un puits de lumière. L’exposition de Rinko Kawauchi est exceptionnelle car c’est une première en France pour la Japonaise depuis la Fondation Cartier en 2005. Elle présentera sa dernière série sous la forme d’une installation mêlant vidéos, photos avec notamment des tirages sur tissus suspendus. Nous avons aussi invité Elger Esser à la Rotonde Balzac, située dans les jardins de l’Hôtel de Rothschild, qui propose une interprétation d’un des célèbres romans de l’auteur, Le Lys dans la Vallée, au travers d’images puisées dans ses propres archives, des vues de moulins réalisées dans la région de la Loire. Il y a aussi Véronique Ellena qui a transformé les vitrines de la Sorbonne Artgallery en vitraux, revisitant l’un de ses anciens travaux effectué avec Pierre-Alain Parot, un maître verrier à qui elle rend hommage. Enfin, Sophie Hatier, investit de son côté we are_, un club habituellement privé qui ouvre exceptionnellement ses portes au public, pour un travail autour de la nature et du paysage.

Emmanuelle de l'Ecotais © Marjolijn de Groot

Photo Days, 4e édition
Jusqu’au 3 décembre 2023
Paris et en Île-de-France
La programmation sur : www.photodays.paris
IG : @photodays.paris

Nicolas Huet Greub, 37.2

Nicolas Huet Greub, agent solaire

Avec son agence 37.2, le trentenaire fait des émules dans le monde de la production visuelle. Il a réussi à attirer vers lui de talentueux photographes, stylistes et set designer qui constituent le vivier de son projet : réunir mode, luxe et art dans un grand geste qui fait tomber les cloisons.

 Il nous reçoit dans un vaste appartement boulevard des Filles du Calvaire dans le 3e arrondissement de Paris. Surgissent ici ou là des fleurs séchées joliment posées dans des vases et sous lesquels sont empilés des dizaines de magazines et de livres. Une belle table en marbre rouge et un vaste miroir confèrent au lieu quelque chose d’à la fois simple et travaillé, comme l’est justement son agence. « Je ne suis pas né dans un milieu artistique. J’ai grandi en province élevé par des femmes où je passais la plupart de mes week-ends sur des terrains de concours équestres à accompagner ma mère qui était championne d’équitation, à aider ma grand-mère qui a dédié une partie de sa vie à des organisations caritatives ou alors à regarder ‘Sous le Soleil’ (Passion !) avec ma sœur. Le métier d’agent d’artistes, c’était un autre monde jusqu’à ce que je tombe dedans » dit d’emblée l’intéressé.

« J’ai commencé par des études de droit que j’ai arrêtées assez vite en comprenant que ça ne ressemblerait pas à Ally McBeal. Ensuite, j’ai fait une école d’Arts et Culture qui nous demandait de choisir un métier-type à présenter et c’est là où j’ai découvert celui d’acheteur d’art, c’est-à-dire la personne qui propose des artistes pour une campagne publicitaire. Un métier essentiel où il faut, entre autres, un œil et une culture photographique. C’est avec ce rendez-vous chez Publicis que ça a démarré », détaille Nicolas Huet Greub. Pendant les deux ans qui suivront ce rendez-vous, il travaillera chez une agent, à l’achat d’art chez Publicis et au studio d’un photographe. « En sortant de ces différentes expériences, j’étais sûr d’une chose : je n’aurais pas pu travailler dans une agence et représenter des artistes que je n’aurais pas choisis. Il fallait que je sois en accord avec le travail des artistes que j’allais représenter ».

Nicolas Huet Greub © Anna Daki
L'agence 37.2

 

 

La référence

En 2016, à 25 ans, le jeune homme se lance. Il crée son agence. « Je dois dire que les planètes se sont alignées. Ça a été une succession de belles rencontres, on m’avait dit avant que je me lance : si l’artistique est bon, le reste suivra. Ça a toujours été un mantra, il faut garder une ligne, une colonne vertébrale artistique. » Il doit aussi le début de son agence à une rencontre qu’il a fait sur un tournage, celle de la maquilleuse Saraï Fiszel qui lui a alors présenté l’une de ses meilleures amies, la photographe Shelby Duncan. Cette dernière a tout de suite accepté d’être représentée par Nicolas et cela même si ce dernier n’avait pas encore de site internet. « On a eu comme un crush amical, un peu comme quand vous reconnaissez quelqu’un de votre tribu. J’ai beaucoup aimé sa vibe. J’ai tout de suite pensé qu’avec Shelby ça collerait parfaitement. Ça s’est fait de manière très organique. » relate Sarai et d’ajouter : « Nicolas est quelqu’un qui a une présence très forte. Il est extrêmement charismatique. Il a un talent pour rassembler les gens. »

Photo de Alexis Armanet, représenté par l'agence 37.2
Photo de Alexis Armanet, représenté par l'agence 37.2
"Autoportrait oral" (1996) de Katerina Jebb, artiste représentée par 37.2.

Au contraire du jeunisme ambiant, pour Nicolas Huet Greub l’âge n’est pas un sujet : « Ça me plait autant de prendre un jeune artiste et de lancer sa carrière comme je l’ai fait avec Shelby que prendre des photographes qui ont déjà une belle carrière comme Roberto Badin, Alexis Armanet ou Inès Dieleman et de les accompagner pour se réinventer. Inès, je lui ai vraiment couru après. Son histoire est unique (Inès travaillait dans l’ombre de son mari, un grand photographe de publicité. À sa mort, elle a pris le relais et s’est lancée en tant que photographe.) Se lancer à plus de 50 ans, dans ces conditions-là, et en à peine dix ans être aujourd’hui une des plus importantes références en nature morte, c’est beau. Et au-delà d’être beau, ça demande un certain courage et beaucoup de talent. Dans le travail et humainement elle donne beaucoup. Pour la sortie de son premier livre, Pavot, que j’ai édité cette année, on a installé une galerie éphémère 37.2 Place Beauvau pendant deux mois. Tout le monde est venu la célébrer lors du vernissage, au-delà du succès de l’exposition, c’était émouvant » témoigne ainsi Nicolas.

 

 

Ouvrage "Pavot" d'Inès Dieleman, artiste représentée par l'agence 37.2
Photo de Alexis Armanet, représenté par l'agence 37.2

 

Maison d’édition

« Je trouve formidable le pont générationnel qu’a fait Nicolas en travaillant avec des photographes qui ne sont pas très jeunes », estime pour sa part l’acheteuse d’art Catherine Mahé qui travaille parfois avec lui et d’affirmer : « il est très ouvert. Il a un enthousiasme qui me parle ». Même son de cloche chez l’agente Florence Moll qui assure : « Il a une très belle énergie, du goût, de la curiosité. Ce que j’aime, c’est qu’il a l’envie de s’installer durablement ». De fait, Nicolas insiste pour dire qu’il se veut fidèle aux artistes qui travaillent avec lui et cela « au contraire de certaines agences qui se séparent parfois d’un photographe simplement parce qu’il a moins de commandes. Des périodes plus calmes pour un artiste, c’est des moments qu’on dédie aux projets personnels. Ces temps-là se cultivent aussi. »

Mais ce qui caractérise 37.2 est aussi le pont que Nicolas a su construire entre la photographie de commande et la photographie d’art. Pour soutenir le travail personnel des photographes de l’agence et pour concevoir un bel objet de communication, Nicolas n’a pas hésité à créer dès 2018 une maison d’édition de livres photo. « Après deux ans d’activité, j’avais envie d’une pure récréation artistique où on pouvait faire ce qu’on voulait. Parce que tu te doutes bien qu’avec nos clients, il y a des contraintes marketing. Parfois, tu peux avoir des frustrations. Je me suis dit : est-ce que je ne réinvestirais pas une partie de l’argent gagné dans des projets artistiques où on laisse libre cours à notre imagination et où on fait ce qu’on veut ? »

Livres photo (Inès Dieleman, Antoine Henault, Roberto Badin) édités par l'agence 37.2

House of love

Ainsi sont nés les livres de Roberto Badin, Antoine Henault, Inès Dieleman… De beaux ouvrages à la couverture feutrée qui permettent à l’agence de se faire connaître et reconnaître. « En avril je reçois un coup de fil des Éditions Actes Sud. Pendant le Festival de la photographie à Arles, ils ont un espace dédié à Croisière où ils peuvent mettre en lumière des maisons d’édition indépendantes. Ils m’ont proposé d’y mettre en avant 37.2 et ont invité les artistes à venir signer leurs livres pendant la semaine des rencontres. L’édition nous amène ailleurs. » explique Nicolas.

« Je trouve très intéressante la démarche de Nicolas », estime Florence Moll à propos de la maison d’édition de 37.2, « il a compris qu’on enrichit son sujet en allant chercher d’autres mondes. Les uns nourrissent les autres en quelque sorte. »

Prochainement sortiront les premiers livres d’Alexis Armanet, Arthur Delloye et Anna Daki, le second livre d’Antoine Henault qui a réalisé un travail sur l’Inde et le livre House of love, titre faisant référence à une maison où Shelby Duncan et sa meilleure amie Saraï Fiszel ont vécu de 2009 à 2015, à Hollywood, en Californie. Ensemble dans cette maison, elles ont fondé et accueilli une communauté internationale de plus de 500 artistes (allant de Léa Seydoux à Natalie Portman en passant par Johnny Hallyday). Le livre est un portfolio photographique du travail de Shelby ainsi que son histoire personnelle de cette période de sa vie.

Pour Nicolas, la maison d’édition, l’agence, c’est surtout l’occasion de créer comme une communauté où l’on partage goûts et valeurs, comme un « clan » dit-il, de personnes inspirantes et inspirées qui s’apprécient et se montrent bienveillantes entre elles. « C’est vraiment cette dimension que je retiens de l’agence, ce côté amical de Nicolas qui continue même après avoir travaillé avec lui et le lien que j’ai pu garder avec tous les artistes » témoigne ainsi Catherine Dayoub qui a commencé comme stagiaire à l’agence et est aujourd’hui directrice artistique chez Jacquemus. « Quand j’ai organisé l’anniversaire de Shelby ici il y a quelques mois, artistes, amis, clients… Tout le monde était là. » relate Nicolas qui précise : « Une de mes artistes m’a dit un jour : ‘People you bring to your inner circle will always be protected’ (‘les personnes que tu accueilles dans ton cercle seront toujours protégées’). J’aime cette idée de clan qui me vient de mon enfance.  Sans le faire exprès, j’ai reproduit ce schéma dans ma vie personnelle et professionnelle. C’est quelque chose qui s’est installé naturellement au fil du temps et que je cultive toujours avec respect, amour et légèreté. »

Fête à l'agence, à l'occasion de l'anniversaire de Shelby Duncan
Lola Drai, productrice de l’agence 37.2 et Nicolas Huet Greub © Anna Daki
Ce qui ne meurt jamais - Carline Bourdelas- Editions Process

« Ce qui ne meurt jamais » de Carline Bourdelas, Deuxième ouvrage des Editions Process

Deuxième ouvrage des Editions Process après « Ce qui reste, ceux qui restent » de Camille Gharbi, nous sommes fiers et heureux de vous dévoiler le livre « Ce qui ne meurt jamais » de Carline Bourdelas.

Ce livre de Carline Bourdelas est issu de sa résidence dans le cadre du festival Planches Contact 2023 en partenariat avec la fondation photo4food.

Pour ce travail, elle a souhaité approcher l’intimité de Marcel Proust et son vécu sur le territoire normand, à Cabourg en particulier qui inspira à l’écrivain « À l’ombre des jeunes filles en fleurs » (1919). Il est l’expression visuelle du ressenti supposé – par la photographe – de Proust en Normandie.

« L’œuvre de Proust est hypnotisante, explique Carline. La réalité est son inconscient, la vie n’est qu’une rêverie, parfois heureuse, le plus souvent mélancolique. Avec mes images, j’ai tenté d’approcher l’âme de Proust, j’ai été à l’écoute de ce qui l’a profondément touché, son émerveillement du monde, ses sentiments douloureux, sa peur de vieillir et de voir mourir les êtres tant aimés. »

Ce travail de résidence s’inscrit dans la continuité de la démarche personnelle de la photographe, inspirée par les scènes de quotidien, par l’étrangeté des choses, par l’idée de « réparer des blessures » par l’image.

La mise en scène, le procédé technique de superposition, donnent à son travail une dimension intemporelle, imaginaire, où le monde apparait brumeux, lointain, poétique et beau.

L’OBJET
22cm x 27cm, 80 pages ; 28€.
Vous pouvez vous le procurer dès à présent sur notre boutique en ligne : shop.process.vision

Photos : Carline Bourdelas / Fondation photo4food – Institut de France
Site internet de l’artiste : carlinebourdelas.photo
Instagram de l’artiste : @carlinebourdelas

planchescontact.fr
fondationphoto4food.com