Publié le 10 novembre 2023
Temps de lecture : 6 minutes

Nicolas Huet Greub, agent solaire

TEXTEJEAN-BAPTISTE GAUVIN
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Avec son agence 37.2, le trentenaire fait des émules dans le monde de la production visuelle. Il a réussi à attirer vers lui de talentueux photographes, stylistes et set designer qui constituent le vivier de son projet : réunir mode, luxe et art dans un grand geste qui fait tomber les cloisons.

 Il nous reçoit dans un vaste appartement boulevard des Filles du Calvaire dans le 3e arrondissement de Paris. Surgissent ici ou lĂ  des fleurs sĂ©chĂ©es joliment posĂ©es dans des vases et sous lesquels sont empilĂ©s des dizaines de magazines et de livres. Une belle table en marbre rouge et un vaste miroir confĂšrent au lieu quelque chose d’à la fois simple et travaillĂ©, comme l’est justement son agence. « Je ne suis pas nĂ© dans un milieu artistique. J’ai grandi en province Ă©levĂ© par des femmes oĂč je passais la plupart de mes week-ends sur des terrains de concours Ă©questres Ă  accompagner ma mĂšre qui Ă©tait championne d’équitation, Ă  aider ma grand-mĂšre qui a dĂ©diĂ© une partie de sa vie Ă  des organisations caritatives ou alors Ă  regarder ‘Sous le Soleil’ (Passion !) avec ma sƓur. Le mĂ©tier d’agent d’artistes, c’était un autre monde jusqu’à ce que je tombe dedans » dit d’emblĂ©e l’intĂ©ressĂ©.

« J’ai commencĂ© par des Ă©tudes de droit que j’ai arrĂȘtĂ©es assez vite en comprenant que ça ne ressemblerait pas Ă  Ally McBeal. Ensuite, j’ai fait une Ă©cole d’Arts et Culture qui nous demandait de choisir un mĂ©tier-type Ă  prĂ©senter et c’est lĂ  oĂč j’ai dĂ©couvert celui d’acheteur d’art, c’est-Ă -dire la personne qui propose des artistes pour une campagne publicitaire. Un mĂ©tier essentiel oĂč il faut, entre autres, un Ɠil et une culture photographique. C’est avec ce rendez-vous chez Publicis que ça a dĂ©marré », dĂ©taille Nicolas Huet Greub. Pendant les deux ans qui suivront ce rendez-vous, il travaillera chez une agent, Ă  l’achat d’art chez Publicis et au studio d’un photographe. « En sortant de ces diffĂ©rentes expĂ©riences, j’étais sĂ»r d’une chose : je n’aurais pas pu travailler dans une agence et reprĂ©senter des artistes que je n’aurais pas choisis. Il fallait que je sois en accord avec le travail des artistes que j’allais reprĂ©senter ».

Nicolas Huet Greub © Anna Daki
L'agence 37.2

 

 

La référence

En 2016, Ă  25 ans, le jeune homme se lance. Il crĂ©e son agence. « Je dois dire que les planĂštes se sont alignĂ©es. Ça a Ă©tĂ© une succession de belles rencontres, on m’avait dit avant que je me lance : si l’artistique est bon, le reste suivra. Ça a toujours Ă©tĂ© un mantra, il faut garder une ligne, une colonne vertĂ©brale artistique. » Il doit aussi le dĂ©but de son agence Ă  une rencontre qu’il a fait sur un tournage, celle de la maquilleuse SaraĂŻ Fiszel qui lui a alors prĂ©sentĂ© l’une de ses meilleures amies, la photographe Shelby Duncan. Cette derniĂšre a tout de suite acceptĂ© d’ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par Nicolas et cela mĂȘme si ce dernier n’avait pas encore de site internet. « On a eu comme un crush amical, un peu comme quand vous reconnaissez quelqu’un de votre tribu. J’ai beaucoup aimĂ© sa vibe. J’ai tout de suite pensĂ© qu’avec Shelby ça collerait parfaitement. Ça s’est fait de maniĂšre trĂšs organique. » relate Sarai et d’ajouter : « Nicolas est quelqu’un qui a une prĂ©sence trĂšs forte. Il est extrĂȘmement charismatique. Il a un talent pour rassembler les gens. »

Photo de Alexis Armanet, représenté par l'agence 37.2
Photo de Alexis Armanet, représenté par l'agence 37.2
"Autoportrait oral" (1996) de Katerina Jebb, artiste représentée par 37.2.

Au contraire du jeunisme ambiant, pour Nicolas Huet Greub l’ñge n’est pas un sujet : « Ça me plait autant de prendre un jeune artiste et de lancer sa carriĂšre comme je l’ai fait avec Shelby que prendre des photographes qui ont dĂ©jĂ  une belle carriĂšre comme Roberto Badin, Alexis Armanet ou InĂšs Dieleman et de les accompagner pour se rĂ©inventer. InĂšs, je lui ai vraiment couru aprĂšs. Son histoire est unique (InĂšs travaillait dans l’ombre de son mari, un grand photographe de publicitĂ©. À sa mort, elle a pris le relais et s’est lancĂ©e en tant que photographe.) Se lancer Ă  plus de 50 ans, dans ces conditions-lĂ , et en Ă  peine dix ans ĂȘtre aujourd’hui une des plus importantes rĂ©fĂ©rences en nature morte, c’est beau. Et au-delĂ  d’ĂȘtre beau, ça demande un certain courage et beaucoup de talent. Dans le travail et humainement elle donne beaucoup. Pour la sortie de son premier livre, Pavot, que j’ai Ă©ditĂ© cette annĂ©e, on a installĂ© une galerie Ă©phĂ©mĂšre 37.2 Place Beauvau pendant deux mois. Tout le monde est venu la cĂ©lĂ©brer lors du vernissage, au-delĂ  du succĂšs de l’exposition, c’était Ă©mouvant » tĂ©moigne ainsi Nicolas.

 

 

Ouvrage "Pavot" d'InÚs Dieleman, artiste représentée par l'agence 37.2
Photo de Alexis Armanet, représenté par l'agence 37.2

 

Maison d’édition

« Je trouve formidable le pont gĂ©nĂ©rationnel qu’a fait Nicolas en travaillant avec des photographes qui ne sont pas trĂšs jeunes », estime pour sa part l’acheteuse d’art Catherine MahĂ© qui travaille parfois avec lui et d’affirmer : « il est trĂšs ouvert. Il a un enthousiasme qui me parle ». MĂȘme son de cloche chez l’agente Florence Moll qui assure : « Il a une trĂšs belle Ă©nergie, du goĂ»t, de la curiositĂ©. Ce que j’aime, c’est qu’il a l’envie de s’installer durablement ». De fait, Nicolas insiste pour dire qu’il se veut fidĂšle aux artistes qui travaillent avec lui et cela « au contraire de certaines agences qui se sĂ©parent parfois d’un photographe simplement parce qu’il a moins de commandes. Des pĂ©riodes plus calmes pour un artiste, c’est des moments qu’on dĂ©die aux projets personnels. Ces temps-lĂ  se cultivent aussi. »

Mais ce qui caractĂ©rise 37.2 est aussi le pont que Nicolas a su construire entre la photographie de commande et la photographie d’art. Pour soutenir le travail personnel des photographes de l’agence et pour concevoir un bel objet de communication, Nicolas n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  crĂ©er dĂšs 2018 une maison d’édition de livres photo. « AprĂšs deux ans d’activitĂ©, j’avais envie d’une pure rĂ©crĂ©ation artistique oĂč on pouvait faire ce qu’on voulait. Parce que tu te doutes bien qu’avec nos clients, il y a des contraintes marketing. Parfois, tu peux avoir des frustrations. Je me suis dit : est-ce que je ne rĂ©investirais pas une partie de l’argent gagnĂ© dans des projets artistiques oĂč on laisse libre cours Ă  notre imagination et oĂč on fait ce qu’on veut ? »

Livres photo (InÚs Dieleman, Antoine Henault, Roberto Badin) édités par l'agence 37.2

House of love

Ainsi sont nĂ©s les livres de Roberto Badin, Antoine Henault, InĂšs Dieleman
 De beaux ouvrages Ă  la couverture feutrĂ©e qui permettent Ă  l’agence de se faire connaĂźtre et reconnaĂźtre. « En avril je reçois un coup de fil des Éditions Actes Sud. Pendant le Festival de la photographie Ă  Arles, ils ont un espace dĂ©diĂ© Ă  CroisiĂšre oĂč ils peuvent mettre en lumiĂšre des maisons d’édition indĂ©pendantes. Ils m’ont proposĂ© d’y mettre en avant 37.2 et ont invitĂ© les artistes Ă  venir signer leurs livres pendant la semaine des rencontres. L’édition nous amĂšne ailleurs. » explique Nicolas.

« Je trouve trĂšs intĂ©ressante la dĂ©marche de Nicolas », estime Florence Moll Ă  propos de la maison d’édition de 37.2, « il a compris qu’on enrichit son sujet en allant chercher d’autres mondes. Les uns nourrissent les autres en quelque sorte. »

Prochainement sortiront les premiers livres d’Alexis Armanet, Arthur Delloye et Anna Daki, le second livre d’Antoine Henault qui a rĂ©alisĂ© un travail sur l’Inde et le livre House of love, titre faisant rĂ©fĂ©rence Ă  une maison oĂč Shelby Duncan et sa meilleure amie SaraĂŻ Fiszel ont vĂ©cu de 2009 Ă  2015, Ă  Hollywood, en Californie. Ensemble dans cette maison, elles ont fondĂ© et accueilli une communautĂ© internationale de plus de 500 artistes (allant de LĂ©a Seydoux Ă  Natalie Portman en passant par Johnny Hallyday). Le livre est un portfolio photographique du travail de Shelby ainsi que son histoire personnelle de cette pĂ©riode de sa vie.

Pour Nicolas, la maison d’édition, l’agence, c’est surtout l’occasion de crĂ©er comme une communautĂ© oĂč l’on partage goĂ»ts et valeurs, comme un « clan » dit-il, de personnes inspirantes et inspirĂ©es qui s’apprĂ©cient et se montrent bienveillantes entre elles. « C’est vraiment cette dimension que je retiens de l’agence, ce cĂŽtĂ© amical de Nicolas qui continue mĂȘme aprĂšs avoir travaillĂ© avec lui et le lien que j’ai pu garder avec tous les artistes » tĂ©moigne ainsi Catherine Dayoub qui a commencĂ© comme stagiaire Ă  l’agence et est aujourd’hui directrice artistique chez Jacquemus. « Quand j’ai organisĂ© l’anniversaire de Shelby ici il y a quelques mois, artistes, amis, clients
 Tout le monde Ă©tait lĂ . » relate Nicolas qui prĂ©cise : « Une de mes artistes m’a dit un jour : ‘People you bring to your inner circle will always be protected’ (‘les personnes que tu accueilles dans ton cercle seront toujours protĂ©gĂ©es’). J’aime cette idĂ©e de clan qui me vient de mon enfance.  Sans le faire exprĂšs, j’ai reproduit ce schĂ©ma dans ma vie personnelle et professionnelle. C’est quelque chose qui s’est installĂ© naturellement au fil du temps et que je cultive toujours avec respect, amour et lĂ©gĂšretĂ©. »

FĂȘte Ă  l'agence, Ă  l'occasion de l'anniversaire de Shelby Duncan
Lola Drai, productrice de l’agence 37.2 et Nicolas Huet Greub © Anna Daki

www.37-2paris.com
IG : @37.2_nicolashuetgreub