Publié le 10 mars 2020
Temps de lecture : 3 minutes

Julie Richoz, Designer nomade

TEXTEJULES FÉVRIER
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L’art de la laque à Taïwan, le tressage de la palme au Mexique, le tissage de la laine au Maroc ou encore le soufflage du verre à Marseille : c’est dans l’artisanat traditionnel issu de multiples cultures que Julie Richoz puise son inspiration de designer d’objets. Des savoir-faire ancestraux, loin de la performance technologique ostentatoire, qui lui permettent de créer des objets délicats et poétiques dont la modernité s’ancre dans l’histoire du beau geste et de l’environnement domestique.

Une naissance en Suisse près de Lausanne, une enfance passée en France à Evian puis à La Rochelle ; d’aussi loin qu’elle se souvienne Julie Richoz a toujours eu le goût des arts appliqués. « J’aurais été aussi heureuse à faire du graphisme, de l’architecture ou même de la mode, explique-t-elle. Si j’ai choisi finalement le design d’objets c’est pour la variété des possibles. Il y a une palette très étendue dans ce domaine, entre le travail sur le volume, les matières, les assemblages de surfaces, les couleurs… Et c’est un métier qui nécessite d’être en relation avec d’autres personnes, des industriels ou des artisans notamment. »

En 2012, fraîchement diplômée de l’école cantonale d’art de Lausanne (Ecal), elle décroche le Grand Prix du festival Design Parade à la Villa Noailles pour son projet de fin d’études : des corbeilles en métal souple dont la conception mêle déjà technique industrielle – avec la découpe chimique – et artisanat, avec une mise en forme manuelle.

S’en suit une collaboration avec le designer Pierre Charpin avant la création de son propre studio où la jeune femme nourrit son éclectisme et étoffe son champ des possibles. « Mes projets débutent par des recherches autour des dessins et des maquettes en papier, et quelques fois avec la modélisation 3D également », explique-t-elle. À force de réflexion et de croquis arrive l’instant précieux où la jeune designer sait qu’elle est sur la bonne voie et qu’il faut passer à l’étape plus concrète de la production.

« Ce qui fait la cohésion d’un objet est le rapport entre son dessin et sa conception. Il faut comprendre la façon dont il est fabriqué pour que tout s’entrelace de manière fluide. Je suis contente de ne pas être spécialiste de telle où telle matière, cela me permet de proposer des approches différentes et singulières. » Ainsi, quand en 2013, peu après son diplôme, elle initie une résidence avec le Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva) à Marseille, elle conçoit la série des « vases-oreilles » dont une partie était en verre soufflé, l’autre partie en fusion : « un petit challenge pour les souffleurs de verre qui ont dû chercher la bonne solution pour réaliser l’objet », s’amuse-t-elle. Quelques années après, Julie Richoz recevra  le prestigieux Swiss Design Award notamment pour ses vases qui ont intégré la collection du Museum für Gestaltung à Zurich.

La noblesse de l’objet
Luminaires, tapis, vases, mobiliers, bijoux, Julie se joue des formes et des matières pour créer des objets fluides et presque familiers comme construits pour apaiser le quotidien. « Le plaisir qu’offre un objet tient dans le détail d’une courbe, d’un émail sur une céramique qui induit une profondeur particulière, un jeu avec la lumière… Il y a le plaisir propre à la plasticité d’un objet », souligne-t-elle.

En 2017, c’est au Mexique qu’elle s’installe pour une résidence de plusieurs mois à la Casa Wabi, une maison d’artistes fondée par le plasticien Bosco Sodi. « Un endroit très méditatif et inspirant, connecté avec les communautés d’artisans locaux » dont des tresseurs de feuilles de palme avec qui Julie réalise des paravents. « En occident la création d’objet est souvent liée à la prouesse technique ou technologique, j’ai découvert au Mexique ces fabrications qui sont très liées à la vie quotidienne avec une façon simple de produire des objets dans une économie locale. Simple et économique mais qui impose au fond beaucoup de sens et d’esthétisme. »

Nouvelle étape à cette inspiration nomade, c‘est au Maroc auprès de tisseurs de tapis berbères que la jeune femme travaille en ce moment à ses prochaines créations.

« Ce qui m’intéresse le plus dans l’objet est qu’il soit une sorte de médiateur, qu’il crée du lien. Ces voyages auprès d’artisans m’ont appris qu’on pouvait faire des choses très belles dans la simplicité. Et c’est la noblesse de l’objet que de s’insérer simplement dans l’environnement domestique. »

julierichoz.com
@julierichoz