Publié le 27 février 2020
Temps de lecture : 4 minutes

Laurent Dequick, Un compas dans l’œil

TEXTEMARIE-CHARLOTTE BURAT
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Au printemps 2019, le photographe d’architecture posait ses objectifs à Reims. Nous avions échangé avec lui à l’heure où il préparait sa nouvelle exposition – Article paru dans le n°23 de la formule papier de Process (Mars – Avril 2019).

Du 29 mars au 4 mai prochain, Laurent Dequick sera l’invité des concept-stores DP Home et DP Style, dont ce dernier dispose d’un espace YellowKorner. Une double exposition Cities qui met à l’honneur le travail de ce photographe et son regard sur la ville contemporaine.

Architecte de formation, Laurent Dequick n’a jamais exercé comme tel. Si l’architecture le passionne, c’est par un autre angle qu’il a décidé de l’appréhender, la photographie. Voyageant de ville en ville, il connaît le vrombissement de celles-ci, les turbulences qui leur sont propres. Cette incandescence urbaine, il la transpose en image, dans une série du nom de Vibrations, où le bruit devient palpable. Sensible à son esthétique, la maison d’édition de photographie YellowKorner, largement implantée à travers le monde, lui demande de rejoindre l’aventure pour dresser le portrait des villes qu’il parcourt. Pour sa dernière mission en date, c’est à Reims qu’il se rend où il prépare une toute nouvelle série. Sur place, Matthias Philippe, gérant du DP Style, mais aussi grand admirateur de son travail, l’attend de pied ferme. Souhaitant mettre sa ville à l’honneur à travers des photographies innovantes, il propose à Laurent Dequick d’exposer au sein des deux concept-stores. L’alchimie se crée de suite et l’opportunité arrive à point nommé pour le photographe qui désire présenter son travail sur Reims, mais aussi deux autres de ses projets : Sérénità Veneziana et High. Loin de se reposer sur ses acquis, le photographe a décidé de prendre le contre-pied de ses premiers travaux, d’en finir avec les Vibrations, et entreprend un nouveau langage pour parler d’architecture.

C’est à Venise que l’inspiration lui vient, et il capture cette cité et ses canaux sous des airs plus sereins, plus apaisés. Après une première série (Notte Veneziana) où la nuit domine et les lumières dansent, il donne naissance à une version plus vaporeuse de Venise. Sérénità Veneziana est une ode à la tranquillité. On fait face à la ville par ce cadrage frontal, figé, et il n’est plus question d’évasion, de jeux de perspectives, mais d’ordre. L’architecture se fait plus précise, et l’on perçoit avec détail le système nerveux de ses bâtiments. À la manière du peintre italien Canaletto, ces panoramas sont directement inspirés des Vedute de la Renaissance vénitienne, petit bout de ville que les voyageurs pouvaient emporter avec eux. Avec cette chromatique éthérée, Laurent Dequick renforce l’idée de calme, d’intemporalité, comme si Venise flottait littéralement entre le ciel et l’eau. La Sérénissime se révèle dans toute sa noblesse, soulignée par son reflet ouaté. Phénomène curieux qui ne peut que nous interpeller par son absence, où se cache la foule ? Dans cet idéal du tourisme et du romantisme, nous voici seul, ou presque.

La magie est totale, d’autant que nous sommes en plein cœur de la Biennale de Venise, période où la ville se métamorphose en capitale mondiale de l’art contemporain. Saluée par la critique, la série Sérénità Veneziana, primée par l’International Fine-Arts awards, ainsi que la série High, seront présentés chez DP Style, tandis que tout le travail sur Reims sera présenté chez DP Home.

Là où le grand angle nous livrait une vue d’ensemble, englobait tout le champ de vision de celui qui l’épiait, l’œil ne s’attarde ici que sur des morceaux de ville. Des fragments qu’il décompose et choisit avec partialité. Le sommet d’un building, d’une statue, ou encore d’un musée, quelques tranches de façades, ou du mobilier urbain, et la ville se dessine par métonymie. Chaque cliché s’apparente à des éléments de maquette, des décors que l’on pourrait assembler ou dissocier. Au lieu de placer l’architecture dans son contexte, elle lui est cette fois-ci totalement soustraite. L’environnement n’a plus lieu d’être et c’est l’objet architectural seul qui devient le héros de la photo. Des effets visuels qui sont en grande partie dus à un travail de post-production, un doigté Photoshop qui fait partie intégrante du processus de création d’après Laurent Dequick, à l’instar des négatifs que l’on doit développer en labo après la prise de vue. Une analogie dont l’écho résonne d’autant plus que le photographe délaisse ces temps-ci son appareil numérique au profil d’un argentique, et plus précisément d’une chambre photographique. Dispositif bien plus encombrant, qui nécessite un temps d’adaptation pour maîtriser la technique, et qui interdit tout cliché pris « à la volée ». Ce nouveau pari l’oblige une nouvelle fois à tout repenser, à se réinventer, et en noir et blanc uniquement.

Une transition qui intervient alors que Laurent Dequick travaille actuellement sur la ville de Reims, laissant fort à penser que cette série en devenir sera le témoin de ce nouveau procédé. Alors qu’une partie des photographies a déjà été captée en numérique, d’autres seront très probablement issues de l’argentique. D’un appareil à l’autre, mais aussi d’un paysage à l’autre. S’il s’est concentré jusqu’à présent sur la ville, sa cathédrale, ses monuments, Laurent Dequick souhaite désormais se pencher sur d’autres figures iconiques de la région, ses vignes. Une idée qui reste encore au stade d’inspiration et qui ne demande qu’à se concrétiser. Le 29 mars nous le dira.

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