Publié le 07 octobre 2021
Temps de lecture : 3 minutes

Les mondes imaginaires de Letizia Le Fur

TEXTEAntoine Zabajewski
PHOTOSLETIZIA LE FUR
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Un homme seul arpente des terres franchement hostiles. D’immenses rochers se dressent devant lui, infranchissables. Les animaux ont disparu. La végétation se résume à d’inquiétantes plantes géantes et à quelques cactus agonisants. Puis la nature s’éveille sous une lumière magique. Les couleurs éclatent alors que le merveilleux affleure. Bienvenue dans le monde de Mythologies, le premier livre* de Letizia Le Fur.

La peinture, le premier amour
L’histoire débute dans les années 1970 à Villetaneuse, une petite ville ouvrière de la banlieue nord de Paris. Les logements insalubres sont peu à peu détruits au profit des HLM inspirées des préceptes de l’architecture moderne. Letizia grandit face aux tours, dans une de ces maisons en sursis.

À force de travail, la situation de la famille s’améliore quelque peu. Les parents achètent à leurs propriétaires la maison en ruine située au fond du jardin. Le père, un fou d’art qui dessine et peint dès qu’il peut, y installe son laboratoire photo. Letizia transforme le lieu en terrain de jeu. Elle s’évade en lisant les mythes grecs et la littérature antique. Le dessin et la peinture deviennent pour elle un refuge, loin du gris et de la laideur de la ville. Le mouvement surréaliste l’attire, notamment les peintres dont elle reproduit les œuvres : Max Ernst, Salvador Dalí et René Magritte.

La photographie pour la vie
Le bac en poche, Letizia Le Fur entre à l’école des Beaux-Arts de Tours pour cinq années intenses, parfois douloureuses. Elle ne se retrouve pas tout à fait dans la démarche conceptuelle de l’époque. L’idée que le concept prime sur la réalisation de l’œuvre la fruste. Encouragée par l’artiste Valérie Belin, elle choisit la photographie comme moyen d’expression. Et elle arrête définitivement la peinture.

Diplômée, Letizia Le Fur assiste le photographe suisse Beat Streuli pendant deux ans. Puis elle collabore pour la publicité et la presse. À côté de son travail professionnel, elle ne cesse de produire des photographies qu’elle ne montre pas. Le besoin de créer l’anime avant tout.

Au début des années 2010, Instagram en est à ses tout débuts. Letizia Le Fur se prend au jeu, elle commence à poster une photo par jour. Cette sorte de journal photographique touche de plus en plus de monde. Il sera même exposé. Letizia Le Fur prend confiance alors que son regard photographique s’affirme.

Un regard photographique
Letizia Le Fur est attirée par les scènes harmonieuses teintées d’étrangeté plutôt que par la beauté universelle des cartes postales. Comme si, dans un processus de catharsis, elle cherchait à libérer ses sentiments les plus sombres. Son amour de la peinture se remarque au soin apporté aux compositions. Les motifs sont répétés et remplissent souvent tout le cadre, comme sur les papiers peints ou les estampes japonaises. Par ailleurs, toute perspective est supprimée : les premiers plans et les arrière-plans se confondent, comme chez les peintres nabis de la fin du XIXème siècle. Le travail chromatique est minutieux. Les outils de post-production numériques lui permettent de modifier et de contrôler chaque couleur. Grâce à eux, les images s’écartent légèrement de la réalité.

En 2018, Letizia Le Fur remporte le Prix Leica/Alpine. Son travail personnel est de plus en plus reconnu.

À l’origine des Mythologies
En 2019, Letizia Le Fur travaille sur une série. Alors qu’elle photographie la végétation, son compagnon est là, il se baigne nu comme il le fait parfois en pleine nature. Sensible à cette scène, Letizia Le Fur déclenche instinctivement. L’imaginaire prend alors le relais. L’amoureux aux airs d’Apollon donne à l’image une tournure mythologique.

L’introduction de l’homme nu dessine les contours d’un nouveau projet. Letizia Le Fur note ses idées de photos et ses envies de couleurs. C’est de cette façon qu’elle prépare ses voyages photographiques, notamment en Grèce et dans les îles Canaries. Plus le projet avance, plus il se précise. Letizia Le Fur l’imagine en trois parties. Le premier chapitre L’Origine montre un homme vulnérable dans un monde chaotique envahi d’éléments inhospitaliers. Le second chapitre intitulé L’Âge d’Or sonne comme une embellie remplie de couleurs merveilleuses.

Enfin, Les Métamorphoses viennent clore son cycle Mythologies. Inspiré par le poète latin Ovide, ce troisième volet a pour fil conducteur l’adaptation de l’Homme dans son environnement. Un sujet tellement d’actualité…

*Mythologies, édité par Rue du Bouquet (ruedubouquet.fr)

letizialefur.com
instagram.com/letizialefur

Letizia Le Fur est représentée par la galerie Laure Roynette.
laureroynette.com

Texte : Antoine Zabajewski (lephotographeminimaliste.fr)