Publié le 18 septembre 2020
Temps de lecture : 3 minutes

Wim Crouwel, Icône retro-futuriste du graphic design

TEXTECYRILLE JOUANNO
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Graphiste et typographe disparu il y a tout juste un an, Wim Crouwel a mené un travail expérimental qui s’inscrivait à contre-courant des règles typographiques. Ce travail est devenu une œuvre intemporelle, un classique faisant encore école auprès des nouvelles générations de graphistes.

Âgé de 90 ans au moment de son décès, Wim Crouwel avait été tour à tour maquettiste, typographe, graphiste, enseignant, directeur de musée. Surtout, il participa à la création du studio Total Design en 1963, dont il deviendra ensuite directeur (1972-1980). Avec celle-ci, il s’imposa comme l’un des principaux créateurs d’identités graphiques dites modernes, au même titre que les tenants de l’école suisse. Dès le début de sa carrière de graphiste, il dédia une partie de son travail aux commandes de musées, renouvelant ainsi en profondeur l’environnement des expositions. Son objectif est alors de donner une cohérence à l’identité visuelle du musée, allant au-delà des collections que celui-ci recèle.

_Police de caractères Fodor, 1964
_Gridnik, 1974
_New Alphabet, 1967

À partir de 1965, et pendant près de vingt ans, il réalisera tous les documents de communication du Stedelijk Museum d’Amsterdam (cartons, affiches, brochures, catalogues…) y appliquant la même grille, parfaitement homogène et identifiable au premier regard. Son travail se diffusera également au sein de nombreuses entreprises privées et publiques (ainsi pour l’aéroport de Schiphol) ou de la Poste néerlandaise (timbres). C’est ainsi que l’annuaire des pages jaunes des Pays-Bas sera réalisé en utilisant uniquement des lettres en bas de casse. Sa recherche croise à la fois une approche assez rigoureuse, voire rigoriste, et la fantaisie pop propre à l’époque.

Affiches d'expositions pour le Stedelijk Museum d'Amsterdam

Mais son œuvre principale tiendra à sa recherche sur la typographie. Très vite, il entend la « standardiser » en adoptant une police de caractères dont la hauteur serait équivalente à la largeur. Il fonde alors un style connu sous le nom de SM-design. Il crée aussi le New Alphabet, qui lui vaudra d’être considéré comme l’un des pionniers de la recherche de design typographique, notamment pour les premières formes typographiques « électroniques » de l’histoire du design. Cette « fonte » de caractères New Alphabet est imaginée par Crouwel en 1967 pour être utilisée sur des ordinateurs.

Croquis New Alphabet

À l’époque le matériel de photocomposition ne pouvait afficher que des barres dans deux dimensions (horizontal / vertical). C’est en faisant siennes ces contraintes d’une technologie à ses débuts que Wim Crouwel crée le New Alphabet. Composée d’horizontales et de verticales, avec des formes parfois éludées pour certains glyphes, cette police de caractères demande au lecteur un effort de concentration pour se l’approprier. Elle rompt avec les règles typographiques de l’époque. Wim Crouwel doit alors affronter nombre de contradicteurs parmi les designers de l’époque. De fait, certains glyphes se ressemblent (ainsi le 1 et le 7, par exemple). Le débat fait rage. Une police de caractères doit-elle tendre vers l’œuvre d’art au risque de perdre une partie de sa fonctionnalité ?

Vorm Gevers, affiche pour le Stedelijk Museum Amsterdam, 1968
"New Alphabet. An introduction for a programmed typography", Catalogue - 1967. Collection Stedelijk Museum Amsterdam
"Atelier 12. Beeldje voor Beeldje", Stedelijk Museum Amsterdam, 1974

Pour certains, Crouwel va trop loin, pour d’autres, il ouvre de nouvelles perspectives, inscrivant le design graphique et la typographie dans l’histoire de l’art. Le New Alphabet sera ensuite redessiné pour l’album Substance du groupe anglais Joy Division (1988). Wim Crouwel est alors un homme accompli, directeur du musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam, l’un des plus beaux musées des beaux-arts des Pays-Bas. Sa recherche, désormais reconnue de tous, continue de vivre à travers les créatifs d’aujourd’hui.

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