Que se passe-t-il en coulisses du Taittinger ? Nous avions suivi Charles Coulombeau lors de la finale du Prix culinaire qui l’a consacré, le 28 janvier 2020. Flashback.
8h15 : École Ferrandi. Le chef Charles Coulombeau et la commise Johanna Vakahi entrent dans la longue cuisine. Il est jeune et fringant, elle est bien plus jeune et mesurée. Le Prix culinaire international de la cuisine d’auteur dit « Le Taittinger » commence. Huit chefs sont en compétition, sept européens et un japonais. Aucune femme. Deux épreuves : une recette inventive autour de la coquille Saint-Jacques et une recette imposée, le Pithiviers de racines d’hiver.
Charles Coulombeau travaille la pâte feuilletée pendant que la commise épluche des échalotes bananes. Il étale la pâte avant de la mettre au froid, l’œil aux aguets sur ce que fait sa commise : « Continue avec ce couteau-là », pour indiquer le bon outil pour couper les côtes du chou vert. Elle s’applique. Le chef a planifié très exactement chaque étape sur un tableau Excel. Deux minuteurs scandent le déroulement des préparations. Il surligne en vert ce qui est fait. Au tour des coquilles d’être ouvertes. Elles sont installées verticalement sur une grille pour égouttage. « N’oublie pas de vider ta poubelle de temps en temps. » L’hygiène et la propreté sont des préoccupations de chaque instant. Il ébarbe les coquilles. C’est précis les gestes d’un chef ; combien de coquilles préparées pour arriver à cette dextérité ? L’œil évalue, la main apprécie la texture, sans doute pense-t-il aussi au temps de cuisson de chacune d’entre elles. Pas de hasard.
9h : L’ambiance monte d’un cran. Ça s’agite partout. Les cuisiniers préparent et cuisent, les commis épluchent, les plongeurs lavent. Il faut trouver sa place sans gêner, mais ne pas s’effacer. Personne ne s’entrechoque, la cuisine est une scène encombrée sur laquelle se meuvent des dizaines de corps ondulants. Johanna s’attaque à un butternut qui a la chair trop dure pour elle. Charles Coulombeau l’aide. Il coupe le légume du haut vers le bas, tout en la rassurant. Elle regarde et reprend la main. Le peu d’assurance des commis est la chose la plus fragile et donc, la plus touchante. Ce concours est aussi la mise en place d’un duo de travail uni par un même espoir : faire d’un plat un moment de communion, synthétiser en une assiette l’aspiration la plus grande, l’alliance des saveurs, des odeurs et des textures.
Bi, bi, bi, bip, bi, bi, bi, bip. Tous les postes de la grande cuisine sont occupés. Avec ses outils et ses tours de main, chaque chef donne forme à son originalité : celui-ci sèche les topinambours au four avant de les poêler, celui-là grille légèrement le tour de chaque coquille au chalumeau, celui-là incise des tronçons de céleri pour qu’ils absorbent mieux le jus de cuisson quand celui-ci étuve des rondins de céleris au-dessus d’une poignée de foin. Tout ici est une fête de la précision. Les chefs se démultiplient, ils tournent, coupent, émulsionnent tout en encadrant les commis. Ils sont ici, ils sont partout. « On est bien dans les temps, c’est parfait. » Johanna s’applique, il y a un infime tremblement au bout de ses doigts. Tout à la réussite de chaque geste, elle mesure tout le chemin qui lui reste à parcourir.
11h15 : le dressage du Pithiviers est commencé, Charles Coulombeau sèche, presse, assaisonne, goûte. Le cercle de 15cm de diamètre monte doucement. Partout ça bout, ça refroidit dans la glace, ça grille sous la salamandre… La cuisine c’est de la chimie active, le chef est un sorcier qui fait naître des textures.
12h12 : « Dans huit minutes il faut envoyer. Au-delà d’un retard de cinq minutes vous aurez des pénalités » lance le chef Emmanuel Renaut (Flocons de sel à Megève, 3 étoiles), Président du Jury. Charles Coulombeau agence tous les éléments de sa recette de coquilles Saint-Jacques où se mêlent mer et terre. Les jeunes serveurs de l’école Ferrandi emportent les assiettes composées comme des tableaux vers les jurés-goûteurs.
Charles Coulombeau a gagné le Prix convoité. Il y a eu bien des espoirs déçus, il est difficile de récompenser autant de talents. Mais ce challenge a fait bouillir les crânes, gageons qu’il en restera quelque chose dans les assiettes de ces chefs. Il ne vous reste plus qu’à vous rendre à Nancy, où Charles Coulombeau et sa femme Roxane viennent de prendre en main le destin de La Maison dans le Parc à deux pas de la place Stanislas.
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La recette lauréate
Dans le ventre gagnant du Taittinger, il y a une recette
Une recette où la Saint-Jacques joue à la Vénus de Botticelli.
Sortie de sa coquille, elle se drape de feuilles de chou,
Se couvre de lamelles de truffes, s’ébroue de sauce Earl Grey.
Pour emporter la coupe, le chef Charles Coulombeau a imaginé des variations terre et mer, d’exquises bouchées qui mêlent cuissons différentes, textures recherchées et ingrédients choisis.
Au centre de l’assiette, la coquille au naturel sur un trône d’embeurré de chou.
Autour, trois palets de céleri rave confits au beurre qui soutiennent une bille de mousseline à la Saint-Jacques et à la truffe, le tout nappé d’une sauce crémée complexe au thé Earl Grey, aux échalotes, poireaux et champignons étuvés et déglacés au Noilly Prat puis mêlés à la barbe de Saint-Jacques avec une pichenette de bergamote au moment de servir.
Autour, encore, une ballottine de Saint-Jacques, pomme de terre King Edward et truffe, cuite à la vapeur. Coupée en deux, les couleurs étagées en sont remarquables.
Autour, encore, un mille-feuille surprise avec anneaux de pomme de terre et de courge Butternut, et un cœur de farce composé de purée d’échalotes caramélisées et noix concassées ;
Autour, enfin, un cromesquis noir, composé d’une croquette de barbes et de corail de Saint-Jacques au citron et persil, roulé dans une chapelure de pain à l’encre de seiche.
Le tout est disposé sur un cercle d’huile de noix et de poudre de courge.
Couleurs, saveurs, iode pour le goûteur.
prixculinaire.taittinger.fr
taittinger.com
Retrouvez le parcours et la vision de Charles Coulombeau, nouveau chef et dirigeant du restaurant nancéien La Maison dans le Parc >> https://process.vision/article/charles-coulombeau-un-sportif-en-habit-de-cuisinier/