Publié le 17 mars 2020
Temps de lecture : 4 minutes

Franz Ferdinand

TEXTEINTERVIEW D'ALEXIS JAMA-BIERI
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Déjà quasiment 20 ans que le groupe Franz Ferdinand s’est créé, en Écosse. Son nom aurait pu rappeler les légendaires chefs de clan écossais, fleurant bon la lande et le whisky, mais le groupe a préféré prendre le nom de l’archiduc d’Autriche, assassiné à Sarajevo en 1914, prélude à un déferlement de feu et de sang sur l’Europe…

Plus précisément, c’est aux abords d’un champ de courses que l’idée d’endosser ce nom apparût comme une évidence aux membres du groupe ; l’un des chevaux de course s’appelant Franz Ferdinand. L’humour British… Leur 1er album, sorti au tout début des années 2000, les propulse au firmament de la britpop. Le succès se confirme avec les 3 albums suivants. En 2016, le groupe prend un nouveau tournant avec le départ du guitariste et claviériste Nick McCarthy. Le groupe passe alors de 4 à 5 membres avec l’arrivée d’un nouveau guitariste et d’un claviériste.
Franz Ferdinand se compose désormais de Alex Kapranos (chant-guitare), Robert Hardy (basse), Paul Thomson (batterie-guitare), Dino Bardot (guitare) et Julian Corrie (claviers-guitare). Leur 5e album Always Ascending est sorti début 2018.
Cet album composé de 10 chansons est une refonte éclatante du groupe, débordant d’idées nouvelles et d’expérimentations soniques. Always Ascending a été écrit dans le sud de l’Ecosse et enregistré en partie au studio Motorbass à Paris, avec l’aide du prodigieux et regretté producteur français Philippe Zdar. L’affection mutuelle entre le groupe et le producteur s’y ressent au détour de chaque groove. Process Magazine a rencontré Alex Kapranos et Paul Thomson dans le cadre bucolique et ensoleillé du festival La Magnifique Society 2019, pour une interview presque exclusive.

Quelles sont les racines de votre vocation pour la musique?
Alex: C’est une vocation « par erreur »… En fait, j’ai toujours eu instinctivement envie de jouer de la musique

Paul: J’ai longtemps fait de la musique en pensant que ce n’était pas une vocation viable… Tout comme mes parents ! Mais le temps m’a prouvé le contraire…

Alex: Bob notre bassiste n’a jamais voulu être musicien. Il ne se considère toujours pas comme tel, et pense qu’il est un artiste qui joue de la basse.

Quelle est la petite histoire, derrière la grande histoire de la création de Franz Ferdinand?
Alex: Paul et moi, on trainait et jouait déjà ensemble bien avant Franz Ferdinand, dans plusieurs autres groupes. Franz Ferdinand est né au départ du fait qu’on était une bande de potes, on sortait et on jouait de la musique à Glasgow. Notre premier gig fut chez un ami commun.

Paul: C’était un feeling naturel.

Votre 5e album Always Ascending vous a amené à prendre de nouveaux chemins musicaux, plus psychédéliques. Vous avez notamment dit qu’il était une renaissance…
Alex: Oui, c’est une nouvelle décennie et une évolution pour le groupe, avec une nouvelle configuration.

Vous l’avez enregistré en partie dans le studio Motorbass avec Philippe Zdar (décédé en juin 2019), moitié de Cassius. Comment est née cette collaboration?
Alex: On est fan du travail de Philippe ! On avait déjà parlé de travailler avec lui pour notre 4e album, mais à l’époque il bossait avec les Beastie Boys.

Quand vous travaillez sur de nouveaux morceaux, est-ce aussi spontané?
Alex : Beaucoup de notre travail est réactif et instinctif. On ne s’assoit pas autour d’une table pour faire des plans. Pour nous la musique c’est « moitié-moitié » : il doit y avoir un stade spontané, où les idées doivent émerger librement, en utilisant la part la moins contrôlée et libre de l’esprit, à l’écart de la part consciente et logique. À ce moment-là, tu éteins quasiment ton cerveau. Ensuite il y a un stade d’analyse et de réflexion. C’est quasiment comme passer du travail de l’écrivain à celui d’éditeur.

Quelle est la différence entre «l’ancien» processus et le «nouveau» processus de composition de vos morceaux?
Alex: On essaie toujours de pousser les choses dans différentes directions, d’écrire de différentes manières. Certaines chansons vont venir d’une prose écrite, d’autres d’un rythme de batterie, d’autres du piano, de la guitare ou de la basse.

Paul: On fait parfois évoluer nos morceaux pour le Live, sur ce qui est efficace et ce qu’on peut couper.

La musique occupe-t-elle l’ensemble de vos pensées?
Alex: Quelqu’un qui n’écouterait que de la musique, ça serait bizarre non ? À Franz Ferdinand, on apprécie l’architecture, une bonne lecture, un bon film, un bon plat de restau (j’ai voulu être chef cuisinier dans le passé). Je ne pense pas qu’on puisse être seulement dans un genre ou une seule discipline artistique, parce qu’on va chercher l’inspiration dans tout.

Votre groupe est né à Glasgow. L’Écosse a voté en majorité contre le Brexit, que le Royaume-Uni va pourtant vous imposer. Vous sentez-vous toujours britannique, ou plus européen?
Alex: Personnellement, je me sens très européen car j’aime l’idée de rester ouvert. Ce qui se passe dans le monde, et pas seulement en Europe, est plutôt terrifiant… Notre studio est en Ecosse dans un petit village et apparemment, par le passé, il y avait une petite rivière qui faisait office de frontière pour séparer le village en deux moitiés, qui se haïssaient. C’est exactement ce qu’on récolte avec cette mentalité de mettre des frontières partout : le rejet des autres gens. C’est pervers. On a joué en Turquie, en Hongrie, en Russie et on a pu constater ce rejet. Dans un pub à Douvres, un gars me disait qu’il était gay, que son ami vivait en Pologne et qu’il ne pouvait plus y aller, car les gays n’y étaient plus les bienvenus, surtout hors des grandes villes, là où les réactionnaires sont de plus en plus puissants. Je ne vois donc rien de positif dans ce qui se passe maintenant.

Vous pensez que ça va avoir un impact sur la musique ou la créativité?
Alex: Tout va être pire ! Dans le sens où il va y avoir une multitude de musiciens qui vont faire de la musique protestataire, en pensant que c’est un « bon filon » pour se faire connaitre…

Écouter Franz Ferdinand 
@franz_ferdinand

Crédit image : Cara Robbins