Publié le 07 octobre 2021
Temps de lecture : 4 minutes

Hervé : « Je suis un bricoleur qui touche à tout »

TEXTEAlexis Jama-Bieri
PHOTOSROMAIN SELLIER
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Venu des terres de Bretagne et ayant grandi en région parisienne, Hervé a créé un univers qui brouille les pistes temporelles et transporte l’auditeur entre le Madchester des 80-90’s et la chanson française affiliée à Gainsbourg ou Bashung. Évoquant des thèmes bien ancrés dans notre époque comme le trouble des sentiments ou la santé mentale il a su attirer un public nombreux avec des morceaux mélangeant textes poétiques et énergie dancefloor dont le déjà bien connu Si bien du malque beaucoup ont découvert durant la période de confinement sanitaire, grâce à une pub TV de café ou au clip réalisé dans sa cuisine par le chanteur, largement partagé sur les réseaux sociaux. Process Magazine a rencontré Hervé cet été dans le cadre bucolique du festival La Magnifique Society.

Quel fut ton premier souvenir marquant en matière musicale ?
Il s’agit du son du piano, entendu enfant, sur une compilation de standards de musique classique. En écoutant ce disque j’ai ressenti une émotion extrêmement forte qui m’a complètement transcendé. Je mimais alors le jeu du piano sur la table, mais sans vraiment savoir comment ça allait s’exprimer car il n’y a pas de musicien dans ma famille. Voyant mon intérêt, ma mère a acheté un piano d’occasion et j’ai commencé à aller à l’école de musique de ma ville pour apprendre l’instrument. Mais j’ai eu comme une forme de dyslexie qui m’a obligé à arrêter les cours d’enseignement classique. Cette forme d’enseignement de la musique était impossible pour moi. J’ai toutefois repris l’apprentissage plus tard, différemment, en autodidacte, durant mon adolescence, avec un synthé acheté au supermarché du coin, qui comportait plein de sons préprogrammés.

Quels sont les artistes qui t’ont inspiré dans ta construction artistique ?
Ça va de la scène anglaise des années 80-90 avec les Happy Mondays et New Order, jusqu’à la techno allemande, en passant par la 1ère génération de French Touch, avec notamment les Daft Punk et DJ Mehdi. Ce sont ces derniers qui m’ont donné envie de faire de la production. En fait, je suis de la génération « Ed Banger » car j’avais 15 ans au moment où ça clubbait fort, notamment au Social club.

Tu as déjà une production bien prolifique…
En effet, j’ai sorti le 1er EP de Postaal (duo formé avec le britannique Dennis Brown, ndlr) en 2016, puis l’album en 2018, mon 1er titre solo fin 2018, puis mon 1er EP en mai 2019, et l’album en juin 2020. Enfin, j’ai sorti la réédition de l’album augmentée de quelques titres en février 2021. L’ajout de ces cinq titres composés durant Noël était hyper important pour moi afin d’attaquer l’année avec de nouvelles choses. Je savais que j’allais aux Victoires de la musique et je ne voulais pas m’y rendre seulement pour faire acte de présence et me dire que j’allais être plus connu seulement en y étant présent avec de belles fringues. Je voulais qu’on parle de musique !

Quel a été l’impact de la pandémie dans ton programme initial ?
Instinctivement j’ai dû m’adapter à la situation particulière qu’on a vécue durant cette période, surtout le premier confinement. Je venais d’écrire mon album, de le produire et le mixer en grande partie à la maison, presque comme en confinement, dans ma chambre. En revanche, la situation a complètement bouleversé mon programme : l’album devait être lancé en mars 2020 et je devais débuter une tournée. Finalement, l’album est sorti trois mois plus tard. J’aurais très bien pu attendre et le sortir en septembre, au cas où l’on aurait pu tourner, mais c’était important pour moi qu’il sorte comme ça, et ça m’a poussé à reprendre ce que je faisais pour Postaal en matière d’image. Ça m’a ramené à ce que je suis, un bricoleur qui touche à tout : écriture, composition, production, image. Ainsi j’ai fait trois pochettes durant le confinement et j’ai filmé mon clip à la maison, le tout avec un IPhone. Il y avait des deadlines qui arrivaient très vite et qui changeaient tout le temps : encore deux, quatre, six semaines… avec des dates butoirs variables. Ce fut assez fastidieux dans ces conditions de mener l’album jusqu’à sa réédition. Je devais avoir une chorale sur Monde meilleur qu’on a dû remplacer par des voix de gens qui me suivent et qu’on a ensuite crédités. C’est Alex Gopher qui a travaillé en studio sur l’album et les a rentrées en mastering. L’Olympia avait été annulé, du coup on l’a fait en vidéo. Je me suis sans cesse adapté. Ça a vraiment été une année complètement folle !

Quelle voie suis-tu pour composer ?
Il y a un processus difficile à analyser, mais j’ai toujours avec moi mon ordinateur, un dictaphone, mes notes, des morceaux de textes ici et là et du son très fort autour de moi. Ça part souvent des batteries, des rythmiques, des tempos, et ensuite je brode. Je compose tout à l’ordinateur, puis les parties sont ensuite jouées par des musiciens. Pour le live, je retravaille beaucoup le son. C’est une sorte de musique électronique rejouée avec de vrais instruments. Il y a l’ambition que le son ne soit pas celui du disque cloné, mais que ce soit le son du disque en mieux. Tout est pensé comme ça. C’est primordial pour moi, car je sais que derrière je vais prendre beaucoup de plaisir sur scène, danser, aller chercher le public et entrer dans une forme de transe.

Quel fut ton rapport avec le public durant la pandémie ?
Il y a eu des accélérateurs : l’Olympia filmé, les concerts TV sur Culturebox, la pub de café, la Victoire de la musique… Tout a servi le projet et a permis de toucher des publics différents.

Comment as-tu vécu la reprise du contact avec le public ?
Ça fait du bien ! En configuration actuelle, c’est un autre chemin vers le son et le public. Là, on fait cinq dates par semaine et c’est un sacré bazar.

Qu’écoutes-tu le plus en ce moment ?
J’écoute The Clash, Squid & Martha Skye Murphy pour Narrator, le titre qu’ils ont fait ensemble, Fontaine D.C. et Soulwax. Je trouve qu’en ce moment il se passe quelque chose d’ultra intéressant et de beau outre-manche, qui avait manqué depuis les années 2010, avec notamment Sleaford Mods et Idles. Je me régale !

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