Avec la fondation qu’ils ont créée, Olivier et Virginie Goy entendent aider les plus démunis, tout en assurant la promotion de la photographie et de ses auteurs.
Il suffit parfois d’un hasard, d’une rencontre, de quelques mots échangés pour que naisse une belle idée. C’est ce qui s’est produit lorsqu’Olivier Goy, entrepreneur, fondateur de la FinTech October, et grand amateur de photo, lui-même photographe, prend part à un stage de photo. Nous sommes à Venise, voici quelques années, dans le cadre du festival Venezia Photo, et l’immense photographe Albert Watson encadre le groupe de stagiaires prenant part à sa masterclass. Là, Olivier Goy échange avec quelques photographes présents qui, tous, témoignent de leur difficulté à faire connaître leur travail, à le rendre visible par le plus grand nombre. Produire des tirages lorsque l’on a peu de moyens, trouver des lieux pour être exposé alors que l’on n’est trop peu connu, il y a là un cercle vicieux auquel le passionné qu’est Olivier Goy entend échapper. Lui-même a découvert la photographie il y a de cela des années, lorsqu’après avoir hésité de longs mois, passant et repassant devant une boutique, il a poussé la porte et fait l’acquisition de son premier boîtier Leica.
Son idée est simple, au croisement d’un engagement humanitaire et d’un soutien à la jeune photographie, il imagine demander à de jeunes photographes de céder une photo à la fondation qu’il souhaite créer. Celle-ci la mettrait en vente, l’intégralité de la somme collectée bénéficiant à un organisme qui lutte contre la faim et la précarité. En contrepartie de ce don, la fondation s’assurerait aussi de rendre visible le travail de ces photographes en organisant des expositions et des événements autour des ventes organisées. C’est ainsi qu’est née photo4food. Depuis sa création, fin 2019, et bien que la crise sanitaire ait freiné ses projets comme bien d’autres, photo4food a reversé 600 000 euros à des associations humanitaires. « La première que nous avons aidée, ce sont les Restos du Cœur, dont le point de distribution se trouvait juste en face de nos bureaux, témoigne Virginie Goy, l’épouse d’Olivier Goy et co-dirigeante de la fondation. Puis est venu Le Chainon Manquant qui lutte contre le gaspillage alimentaire, récupère ce qui n’est pas consommé dans les restaurants d’entreprises pour le redistribuer ensuite, La Croix Rouge bien sûr, ou encore Paris Tout P’tits qui s’attaque à la précarité des bébés nés dans des familles démunies. »
Si de jeunes photographes ont été séduits par le projet dès le début, d’autres, plus confirmés, sont venus les rejoindre. Par goût pour cet engagement collectif en soutien à la photographie comme par esprit de partage et désir de mettre leur art au service du bien commun. Ils sont 32 aujourd’hui à faire don de quelques-unes de leurs œuvres à la fondation photo4food. Emmanuelle de L’Ecotais, la directrice du festival parisien Photo Days, en assure la direction artistique. Autour d’elle, la fondation s’emploie à organiser des événements qui rendent les photographes donateurs un peu plus visibles dans cet univers concurrentiel. C’est ainsi que l’exposition Partage a pu être organisée l’an passé à l’Hôtel de Sauroy, un lieu important pour la photo, où ont été exposées 80 œuvres des photographes engagés auprès de la fondation. De la même façon, un « Grand dîner » végétarien orchestré par les chefs étoilés Akrame Benallal et Alain Ducasse a été organisé voici deux ans au Palais de l’Institut de France, suivi d’une vente exceptionnelle aux enchères sous la houlette d’Artcurial. Une opération appelée à être réitérée. En effet, si elle a mis en valeur les œuvres et leurs auteurs, elle a également permis à Olivier et Virginie Goy d’amplifier leur action. « Là, j’ai pu rencontrer une représentante de Goldman Sachs, qui s’est montrée très intéressée par ce que nous développions. Depuis, nous avons signé un partenariat pour quatre ans. » Le couple Goy a ainsi pu mener à bien un de ses projets : permettre à des personnes en situation de précarité de visiter une exposition – ainsi avec « Aqua mater », rassemblant les grands formats de Sebastião Salgado, à la Défense, l’an passé – puis de prendre part à un déjeuner convivial. Cette année, pour Photo Days, c’est la Fondazione Sozzani, dans le 18e arrondissement, qui s’est portée volontaire pour accueillir ainsi des bénéficiaires d’associations caritatives, autour de l’exposition de la photographe japonaise Rinko Kawauchi. « Avec Olivier, nous aimerions leur proposer aussi un atelier photo et y inviter deux ou trois photographes qui accompagnent la fondation. Ils pourraient réaliser des portraits de qualité de ces personnes, qui pourraient ensuite s’en servir, si elles le souhaitent, dans leurs démarches administratives. Ou juste les conserver pour le plaisir », explique Virginie Goy.
Parmi les acquéreurs, on trouve aussi bien des collectionneurs que de purs philanthropes et des entreprises qui souhaitent les exposer ensuite dans leurs locaux tout en posant ici un acte de solidarité avec les plus démunis. « Parfois, de simples curieux nous contactent aussi, assure Virginie Goy. Ils ont flashé sur une photo vue sur une exposition ou bien cherchent à en découvrir d’autres d’un photographe dont ils apprécient l’univers. Cela n’aboutit pas toujours, mais nous avons toujours beaucoup de plaisir à échanger avec eux. » Virginie et Olivier Goy connaissent eux aussi ces amours subites et irrépressibles qui naissent de la rencontre d’un cliché. Ils sont collectionneurs de longue date et ouvrent chaque année un peu plus les horizons de leur recherche.
Une autre action exemplaire a vu le jour autour du festival Planches Contact, en Normandie, autre partenaire de photo4food. « Nous avons lancé un appel à candidature pour une bourse de résidence pour cinq photographes, choisis par Emmanuelle de l’Ecotais, Laura Serani, directrice artistique du festival et notre conseil d’orientation », se félicite Virginie Goy. Carline Bourdelas, Benjamin Decoin, Thomas Jorion, Sandra Matamoros, Julien Mignot sont les cinq résidents de l’édition 2023. La fondation photo4food finance la résidence et l’exposition des artistes au festival Planches Contact. Leur travail est exposé sur la plage de Deauville et aux Franciscaines jusqu’en janvier prochain et le fruit de la vente de leurs photographies viendra soutenir une association locale luttant contre la précarité (La Croix-Rouge). Cette opération est une belle illustration de ce que nous voulons faire, souligne Virginie Goy. Ancienne directrice financière, elle a quitté son emploi pour travailler bénévolement et à temps plein pour la fondation, et s’occuper de son mari. Olivier Goy est atteint de la maladie de Charcot depuis fin 2020. Ces derniers mois, il a pu se rendre en Antarctique. Un rêve dont il rapporte de nombreux clichés. Et quelques tirages dont il a fait don à la fondation. Photographe, collectionneur et désormais acteur engagé du monde humanitaire, il reste plus que jamais, avec son épouse Virginie, l’animateur d’une démarche philanthropique qui s’ancre chaque année un peu plus dans le paysage de la photographie.