Publié le 10 juin 2022
Temps de lecture : 4 minutes

Prix du Livre Grand Est, Le palmarès 2022

TEXTEAmélie Cabon
PHOTOSDROITS RÉSERVÉS
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Le Prix du Livre Grand Est est dédié à l’illustration, à la bande dessinée et au livre objet. En 2022, pour la troisième année consécutive, il récompense trois nouveaux lauréats et nous révèle ses coups de cœurs.  À travers le dessin ou même la photographie, ce prix entretien une filière d’exception et notre plaisir de feuilleter l’œuvre de nouveaux talents.

Par sa tradition graphique de Chaumont à Strasbourg et de Gutenberg à l’imagerie d’Épinal, le Grand Est a offert au fil de son histoire une place prépondérante à l’illustration et révèle aujourd’hui encore de nombreux talents. Le réseau d’une centaine de librairies indépendantes et de bibliothèques sur le territoire alimente un maillage fort et dynamise les espaces ruraux. Face à une telle richesse la région Grand Est déploie une politique concrète tournée vers la promotion de la filière du livre et la pérennisation de ses emplois au bénéficie de l’ensemble de la population. Parmi les dispositifs déployés, le Prix du Livre Grand Est a dévoilé le 6 mai dernier les lauréats de sa troisième édition. Le jury composé de professionnels et spécialistes du monde littéraire distingue deux catégories : l’une dédiée à l’illustration sous des genres divers (bande dessinée, roman graphique et livre jeunesse), l’autre dédiée au livre d’artiste, livre d’art et livre-objet.

"Le Canard de Wittgenstein" par l'illustrateur Loïc Gaume, collection Philonimo
"Le Chien de Diogène" par l'illustratrice Kazuko Matt, collection Philonimo
"Le Porc-épic de Schopenhauer" par l'illustrateur Olivier Philipponneau, collection Philonimo
"Le Corbeau d’Épictète" par l'illustratrice Csil, collection Philonimo

Au titre de lauréat du prix de l’album jeunesse dans la catégorie illustration, la collection créée à l’initiative de l’auteure Alice Brière-Haquet « Philonimo » des éditions 3oeil, qui nous emmène à la découverte des grands philosophes au travers de métaphores animalières et du trait d’un illustrateur différent à chaque nouvel ouvrage. Dans cette catégorie, le coup de cœur est remis à Saehan Parc pour la ravissante fable Papa Ballon (éditions 2024) dans laquelle l’auteure imagine les enfants prenant la place des parents pour apprendre à grandir.

"Avant l'oubli" de Lisa Blumen

Le prix de la bande dessinée et du roman graphique est remis à Lisa Blumen pour l’ouvrage Avant l’oubli aux éditions l’Employé du moi. Un roman graphique aux histoires successives aussi anodines qu’incongrues à la veille de la fin du monde, la lune s’apprêtant à percuter la terre. Cette vieille dame réussira-t-elle à vendre sa dernière boite de haricots ? Ces jeunes découvriront-ils le véritable amour ? Ces orphelins trouveront-ils un refuge ? Moins fictif et tout aussi tragique : Des vivants de Simon Roussin, Louise Moaty et Raphaël Meltz (éditions 2024), coup de cœur du jury dans la catégorie roman graphique.  L’ouvrage propose un scénario d’une grande richesse et d’une profonde intégrité : aucun dialogue n’a été inventé, les paroles prononcées par les personnages sont les leurs. Les dessins de Simon Roussin redonnent vie au réseau du Musée de l’Homme et rend hommage à ces hommes et ces femmes animés en juin 1940 par le même besoin de résistance.

"Du vent au bout des doigts" de La Conserverie

Coup de cœur toujours, mais cette fois-ci dans la catégorie livre d’artiste/livre-objet, le très ludique livre-objet Bloom de Julie Safirstein, paru aux Éditions du Livre. Un livre circulaire dont les pages s’ouvrent comme des pétales et font apparaître un délicat bouquet de fleurs. Enfin le prix du livre d’art revient à Anne Delprez pour son ouvrage Du vents au bout des doigts dont la poésie a particulièrement touché notre rédaction.

En 2008, Anne Delprez crée La Conserverie à Metz, un lieu d’exposition et d’archives photographiques ayant la particularité de récolter les photographies d’anonymes. Les familles, en se débarrassant de leurs photographies et en faisant don à La Conserverie, ont permis à Anne Delprez de constituer un fonds de 40 000 images. « Au début on me donnait des images pour me faire plaisir. Aujourd’hui les gens perçoivent qu’il y a une vraie volonté de garder cette mémoire pour la transmettre. On m’appelle parfois pour aller chercher des albums dans des EHPAD. J’ai l’impression de servir à quelque chose » confie-t-elle dans les pages de Libération.

C’est donc à partir de ce fonds d’archives mais aussi de photos personnelles de son entourage qu’Anne Delprez a créé ce petit livre. Enveloppé d’un calque délicat, il réunit une cinquantaine de clichés d’hommes, de femmes et d’enfants en présence d’oiseaux. Ni date, ni lieu, il s’agit seulement des moments fragiles et suspendus capturés sur le papier : un enfant recueillant précieusement dans ses mains un moineau, une femme tenant sur son poing un corbeau, un père surplombé par un pigeon… Chaque photographie est le partage d’un dialogue fragile, en suspension, car à tout moment, au moindre geste brusque, l’animal peut s’envoler. L’aspect suranné, parfois imprécis voire un peu flou de ces photographies ne contribue que d’avantage à la délicatesse de l’ouvrage.

"Bloom" de Julie Safirstein
"Des vivants" de Simon Roussin, Louise Moaty et Raphaël Meltz
"Papa Ballon" de Saehan Parc