Pour « Photo pas photo » (la partie de Photo Days programmée en partenariat avec Parcours Saint-Germain), un parcours éclectique nous invite à déambuler dans le quartier Saint-Germain-des-Prés, d’une boutique à une terrasse de café en passant par un espace public. Il va être intéressant de croiser le travail de la photographe Flore (prix Marc Ladreit de Lacharrière en 2018 et prix Nadar en 2020 pour son livre « l’odeur de la nuit était celle du jasmin ») avec son univers poétique hors du temps et ses tirages raffinés dans l’ambiance cosy du café Louise. L’artiste a prélevé quelques plantes dans le jardin du musée Delacroix pour réaliser une nouvelle série. Tout autre univers que celui du plasticien Gregor Hildebrandt, peintre et sculpteur de notoriété internationale connu pour l’utilisation, entre autres, de cassettes audio ou de vinyles comme supports d’images photographiques. Il a été invité à réaliser une série de huit œuvres spécialement pour le Café de Flore (où elles seront exposées). À noter aussi la présence du photographe sud-africain Pieter Hugo qui impressionne notamment avec ses portraits puissants depuis les années 2005-2010. L’exposition de sa série « 1994 » aura lieu à la Sorbonne Artgallery lors de « Photo pas photo » du 8 novembre au 11 décembre.
Pour « Place à la photo », la connexion se fait d’abord par un maillage d’une cinquantaine de galeries partenaires. On y trouve une assez grande diversité de galeries, mais surtout une majorité de galeries spécialisées « photo », accompagnée d’une belle sélection de galeries d’art « photo-compatibles » (des galeries qui se positionnent « art contemporain » mais dont certains artistes utilisent le médium photo, par exemple). Dès la deuxième édition, ces lieux privés ont été rejoints par un assez grand nombre d’institutions qui « comptent » dans milieu de la photo comme par exemple la MEP, le Jeu de Paume ou le Centre Pompidou. Tous ces lieux sont libres de leur programmation, mais la plupart joue le jeu de l’adapter à l’événement. Parmi ceux-ci, la galerie Baudoin Lebon montrera le travail de Joel-Peter Witkin, et son monde inquiétant peuplé de physiques difformes ou de membres de cadavres. On est aussi très curieux de découvrir le travail conceptuel du jeune Máté Dobokay chez la toujours inspirée galerie Bigaignon. Plus classique, mais résolument mythique : vous pourrez voir des œuvres du photojournaliste Marc Riboud (1923-2016) chez la Galerie Arcturus. À ces lieux de « monstration » habituels, s’ajoutent des lieux dits « atypiques » (entendre « non-traditionnels » dans le schéma classique du rapport exposant/spectateur, et d’une façon générale non-conçus pour recevoir du public et encore moins pour organiser une expo) comme des studios de photographes mythiques (Jean-François Bauret, Frank Horvat) exceptionnellement ouverts à la visite, ou même des appartements de collectionneurs (chez Véronique Hublot-Pierre). Enfin, suffisamment rare pour ne pas être manquée, la rétrospective d’Erwin Blumenfeld, un photographe de mode totalement précurseur des années 30-50, au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à partir du 13 octobre (exposition « Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld, 1930-1950 »).
Une des originalités du projet – qui lui donne par ailleurs beaucoup de sens – est de proposer des visites guidées par thème (« abstraction ou minimalisme » ou « le corps » lors de l’édition passée par exemple). Une équipe de Photo Days emmène des groupes de visiteurs dans un parcours commenté, d’un lieu partenaire à un autre. C’est gratuit, il suffit de s’inscrire. Des visites sur-mesure peuvent même être envisagées sur demande. Avec ces visites, la connexion entre les lieux de photo devient vraiment palpable.
Dans la même idée de fluidité et de proximité avec la création, vous pourrez rencontrer et échanger directement avec les artistes à l’occasion de rencontres organisées dans ce seul objectif. L’an dernier, il aura ainsi été possible de rencontrer et d’échanger le même jour avec des artistes aussi divers, intéressants, et de belle notoriété, qu’Antoine D’Agata, Adrien Boyer, Laura Henno, Anaïs Tondeur… Un rendez-vous qui aura lieu tous les mercredis soirs (durant toute la durée du festival) au club privé We are_, partenaire de l’événement. La liste n’est pas encore définie à l’heure où nous écrivons ces lignes mais sera consultable sur le site de Photo Days.
À côté de ces parcours et différents modes d’exposition se tiendront plusieurs évènements parmi lesquels la remise à la MEP le 21 novembre du Prix StudioCollector d’Isabelle et Jean-Conrad Lemaître qui récompense spécifiquement des travaux vidéo, ou une soirée événement au Grand Rex…
Mais l’autre gros point d’intérêt du festival, est sa politique de soutien à la création. Photo Days a en effet passé commande à plusieurs artistes spécifiquement pour l’événement, sans contre-partie. Jean-Michel Fauquet, avec son univers poético-brutaliste complexe et mystérieux, sera exposé à la Rotonde Balzac, un petit lieu d’une poésie folle édifié en 1891 par Adèle de Rothschild sur l’emplacement de la dernière demeure de l’écrivain. Il s’est vu confier une commande en lien avec l’univers du monument littéraire français et y présentera, du 4 novembre au 11 décembre, une de ses créations habitées (par lui, littéralement, assez souvent) qui mêle dessin, sculpture, « chaudronnage de carton » comme il le qualifie lui-même, et, in fine, photographie. À la Rotonde Balzac toujours, l’exposition de l’artiste conceptuel Yann Toma du 15 octobre au 2 novembre, produite par Photo Days également.
Dans un tout autre genre, le photographe SMITH, qui avait notamment fait sensation à Arles en 2021 avec son exposition « Désidération » – il en avait aussi fait l’affiche –, dévoilera à
La Caserne du 7 au 20 novembre le travail dont il a reçu commande en devenant le premier lauréat (2021) du grand prix « Paris, je t’aime » organisé par Photo Days en partenariat avec l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris sur le thème « Paris Vert ». Il continue d’y explorer les possibilités introspectives de sa caméra thermique.
On a aussi remarqué que la photographe franco-américaine Nancy Wilson-Pajic (née en 1941) exposera ses célèbres – et très beaux – grands photogrammes chez We are_ du 7 novembre au 12 décembre. Enfin, si vous avez l’occasion de faire un pas de côté jusqu’à Deauville, vous aurez peut-être la chance de pouvoir observer une œuvre du grand Georges Rousse, créée, comme toujours in situ, pour l’occasion. Elle a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre Photo Days qui en profite pour élargir son horizon géographique, et le festival photo Planches Contact de Deauville, qui se montre de plus en plus passionnant. Les photos de l’installation de Georges Rousse seront aussi exposées à Paris chez Nespresso (55 rue de Rennes, Paris 6ème) Jusqu’au 6 novembre.
Enfin, nous ne voulions pas achever le petit tour d’horizon sans évoquer l’organisation de lectures de portfolios, qui sont en elles-mêmes une forme de soutien à la création. Les photographes de tout poil vont en effet pouvoir présenter leur travail à des personnalités qualifiées du monde de la photo. Les lectures de portfolios, la plupart du temps payantes (le regard qualifié, le temps et l’attention qui vont avec ont en effet de la valeur) demeurent ici gratuites, et se déroulent les 10, 11, 12, 14 et 15 novembre dans un lieu magique, la Fondazione Sozzani, ce qui ne gâche rien.
Bon festival !