Sortant de scène et abandonnant l’atmosphère extatique d’un public en lévitation, Josh Wink, DJ et producteur américain, souvent vu comme le pendant du DJ et producteur français Laurent Garnier, a, lors de la dernière édition du festival du Cabaret vert, accordé à Process magazine une interview exclusive.
Joshua Winkelman alias Josh Wink est de ceux qui ont bâti la techno US au moment même où la techno européenne faisait danser la jeunesse dans les raves à Berlin, Londres ou Paris et où balbutiait la French touch. Né en 1970 à Philadelphie, Josh s’intéresse très tôt aux sons synthétiques, notamment à ceux joués au piano électrique Wurlitzer. Son premier disque, un vinyle, est Autobahn de Kraftwerk, un 45 tours acheté alors qu’il n’a que cinq ans. Mais c’est à son adolescence que la musique le submerge, notamment le son disco, « une étape vers la House music », puis, la House. « Une des raisons pour lesquelles j’ai voulu devenir musicien, c’est la House de Chicago – plus que celle de New-York –, le son acid house de Chicago, et plus tard l’expressivité de la deep techno de Detroit. » Et dans une moindre mesure les productions de DJs de Philadelphie tels que Cash Money et DJ Jazzy Jeff. Sa première prestation importante de DJ a lieu alors qu’il n’a que dix-huit ans, au club Memphis de Philadelphie, par un pur hasard puisqu’il y travaillait comme barman et qu’il dut remplacer au pied levé le DJ programmé par le club, qui était alors souffrant.
Josh Wink garde encore aujourd’hui une légère préférence pour les clubs alors qu’il se produit dans de nombreux festivals : « J’aime les festivals pour le sentiment de contrôle sur une grande foule. Mais j’aime encore plus le club et son feeling plus personnel, où le public peut se connecter à moi et ne faire qu’un. En club, j’ai plus la possibilité de me concentrer sur les gens et leur état d’esprit, pour qu’ils se perdent dans la musique. » Pourtant, après plus de trente années à mixer dans les clubs, Josh a vu l’esprit du clubbing se transformer. « C’était une culture, quelque chose qu’on cherchait à faire et pour laquelle on vivait tous ensemble, qu’on soit hétéro, gay, black ou blanc, on vivait la culture, la scène. C’était spécial, différent, unique ! Maintenant on a perdu cette singularité, les gens ‘sortent en club’ car c’est une chose ‘à faire‘. Mais c’est encore spécial pour une partie des jeunes aujourd’hui, peut-être plus érudits musicalement que leurs semblables… » C’est en Europe qu’on peut, selon Josh, trouver le mieux cet esprit de club. « J’aime la scène de Berlin, c’est totalement unique ! Tout au long de la journée, tout le temps. Il n’y a pas de règles et les gens se respectent. Ça me fait penser à la scène disco de New-York des 70’s-80’s, très libre et très ouverte, lorsqu’il n’y avait pas d’appareils photo en club et que les gens étaient simplement eux-mêmes et pouvaient se promener nus s’ils le souhaitaient. C’était génial ce laisser-aller ! »
Ce lâcher-prise et ce partage sont portés aujourd’hui par la musique de Josh Wink en club ou en festival. « Pour moi le set idéal, c’est de voir la foule qui se perd dans la musique, avec les yeux fermés, dans le ressenti et l’appropriation… »
Depuis plus de trois décennies, Josh Wink a beaucoup produit, en faisant constamment évoluer sa technique. « Au départ, je n’utilisais que du hardware ou des ordinateurs. Puis, j’ai utilisé des ordinateurs et des samples en combinaison, beaucoup de synthés, en passant de l’analogique au digital. Aujourd’hui j’utilise principalement le digital. Je commence habituellement avec le rythme autour duquel je vais ensuite bâtir ma musique. » Josh confie ne pas être adepte de la routine dans son processus de travail : « Souvent, je vais au studio avec une idée en tête et il en ressort quelque chose de totalement différent. Ce que j’aime en musique électronique, c’est qu’il n’y a aucune règle et que ça change toujours. Ainsi, une erreur peut se transformer en quelque chose d’hyper cool ! » Vous vous souvenez sûrement de ce morceau où un rire s’étirait en boucle du début à la fin – hahahaha hahaha, hahahaha hahaha… – intitulé Don’t Laugh, sorti en 1995 et vous vous êtes, peut-être, interrogés quant à l’origine de ce rire. Josh lève enfin le voile sur ce mystère : « Ce rire était le mien. J’avais joué pendant quatre jours non-stop, et peut être dormi six heures… Je me sentais très inspiré et pourtant, je n’ai pu faire que rire. Alors j’ai samplé ce rire et il est devenu un morceau très populaire dans la scène techno-electro-house. »
En introduction de ce sujet était évoqué Laurent Garnier, qui est de la même génération que Josh Wink. C’est un artiste que Josh côtoie souvent : « Nous sommes de vieux amis, il soutient la musique que je joue et je joue régulièrement des titres qu’il adore jouer. On n’a pas encore prévu de collaboration, mais ça serait cool ! »