Publié le 22 juin 2023
Temps de lecture : 4 minutes

La Cartonnerie, Une ruche pour les talents de demain

TEXTECHLOÉ KOBUTA
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4000m². Une centaine de concerts par an. Entre poids lourds de la scène internationale et artistes émergents ; bangers du rap français et riffs déchaînés. La Cartonnerie, à Reims, est un lieu de grande mixité, où se croisent des esthétiques de tous horizons. Mais c’est aussi un lieu d’accueil et d’accompagnement, où musiciens amateurs et confirmés viennent pratiquer, répéter, résider. Rencontre avec Guillaume Gonthier qui pilote, en coulisses, cette ruche dédiée à la jeune création musicale.

_Guillaume, en préambule de notre échange, pouvez-vous nous rappeler la vocation de La Cartonnerie ?
La Cartonnerie est une salle de concerts rémoise qui existe depuis 2005. Elle est dotée du label national “Scène des Musiques Actuelles” (SMAC), ce qui suppose trois grandes missions : d’abord, celle de défendre et de diffuser toutes les esthétiques musicales ; ensuite, celle de mener une politique d’action culturelle auprès de tous les publics ; et enfin, celle d’accompagner la création artistique et la scène locale.

_Ces missions sont donc constitutives de votre ligne éditoriale. Sont-elles pour autant bien identifiées du grand public ?
C’est là tout notre travail : les faire connaître au plus grand monde ! Quand j’ai commencé ma carrière dans ce milieu, il y a une quinzaine d’années, les musiques amplifiées* étaient encore qualifiées par certains de “nuisances sonores”.
Petit à petit, le métier s’est davantage institutionnalisé : l’accompagnement des pratiques artistiques, le développement des publics, et l’action culturelle sont aujourd’hui solidement formalisés.

Benjamin Biolay © VinceVDH
La Cartonnerie © DR
Chester Remington, l'un des groupes accompagnés par La Cartonnerie © Margaux Fremaux

_Vous êtes “Responsable de l’accompagnement des pratiques et des publics”, qu’est-ce que ça veut dire précisément ?
C’est très large ! Il y a toute la partie orientée vers le “public” dont s’occupe ma collaboratrice Anaïs Gittinger, qui est chargée de l’action culturelle. Ensemble, on travaille à la médiation et au développement du public, de la petite enfance jusqu’à l’Université, et on intervient aussi auprès de certains publics qui ne peuvent pas venir jusqu’à nous : en EHPAD, en maison d’arrêt, ou dans des instituts médicaux spécialisés. On leur propose des concerts, des ateliers d’écriture ou de composition avec les artistes du cru. Ce qui m’amène à ma seconde casquette : celle de l’accompagnement des pratiques.
Sous ma responsabilité, il y a aussi toute l’activité liée à nos studios de répétition, ouverts tous les jours de la semaine, dans lesquels on peut venir jouer de la musique pour une somme assez modique. 300 projets musicaux s’y croisent chaque année, ce qui représente plus d’un millier d’adhérents de tous profils, tous âges (du lycéen au retraité) et de tous niveaux (de l’amateur qui n’ambitionne pas de jouer en public, jusqu’à Vladimir Cauchemar.)

_Dans ces studios, on vient donc pratiquer, qui que l’on soit. Mais on peut aussi solliciter un accompagnement plus étroit, c’est cela ?
Absolument. On propose 3 dispositifs graduels, en fonction de l’état d’avancée des projets. Le dispositif “répétition” offre par exemple un soutien logistique aux artistes, avec un accès facilité aux studios ainsi qu’à un local de stockage. L’ambition et l’aboutissement du projet nous importent peu ici : c’est l’envie de pratiquer qui prime.
Les dispositifs “Carto Cru” et “Grand Carto Cru” demandent en revanche une véritable implication des artistes pour structurer et développer leur projet : ces deux accompagnements proposent des soutiens spécifiques pour émerger et/ou se professionnaliser davantage.

_Comment choisissez-vous les artistes que vous accompagnez chaque année ?
Grâce à des appels à candidatures, qu’on lance pour ces trois dispositifs.
Les lauréats sont sélectionnés par un jury composé d’une dizaine de personnes officiant dans les métiers de la musique (programmateur·ices, attaché·es de presse, directeur·ices de labels, tourneur·euses). Il y a chaque année 60 à 80 candidatures auxquelles nous faisons systématiquement un retour argumenté.

_Pour les chanceux qui sont lauréats, comment organisez-vous ensuite ce suivi au long cours ?
On se rencontre d’abord pour cerner tous les contours du projet artistique, ses objectifs et son niveau de développement. Puis, on établit ensemble un diagnostic et un programme d’actions séquencé sur l’année. La plupart du temps, les artistes qu’on accompagne ont déjà mené une réflexion sur leur projet et leurs ambitions. Nos dispositifs servent à apporter un soutien spécifique : qu’il s’agisse de travailler la communication en ligne, la méthodologie de démarchage pour trouver des dates, ou encore la création d’une scénographie pour le live.

Bien souvent, nous sommes face à des artistes dont on est le seul entourage professionnel: l’objectif est donc de travailler tous les aspects du projet pour qu’ils s’autonomisent le plus possible.

_Quels sont les jeunes artistes dont vous avez aimé croiser la route ?
Comme ça, à brûle-pourpoint, je pense à Fishback, par exemple, qu’on a accompagnée ici à ses tout débuts. Elle avait d’ailleurs participé à des actions culturelles en EHPAD, un public qui la touchait particulièrement.
Il y a aussi la rappeuse Leys, qu’on a suivie pendant deux années, avant qu’elle ne gagne le prix du jury des Inouïs en 2020, et se fasse connaître via l’émission Nouvelle École, sur Netflix. Je pense aussi au projet indépendant de l’artiste Ian Caulfield, au rappeur San-Nom qui a connu une belle visibilité et à Inward, un groupe de métal très talentueux qu’on accompagne en ce moment.

_Quels sont vos enjeux pour les années à venir ?
La question de l’égalité femmes-hommes reste un de nos axes de développement majeurs: trop peu de jeunes filles se lancent dans des projets de musiques amplifiées. C’est en train d’évoluer, mais il faut y travailler encore, et encore.

Tout comme il nous faut développer un certain public jeune, qui n’a pas pu se créer des habitudes de sorties culturelles, à cause du Covid. Notre enjeu est de leur faire découvrir le concert comme pratique à part entière, complémentaire de l’écoute sur les plateformes de musique. À la fin de l’année dernière, nous avons par exemple lancé des soirées “open mic” : en amorce de certains concerts de rap, on laisse la possibilité à des artistes en devenir de prendre le micro, une minute ou deux. Ça leur permet d’appréhender la performance en public et de désacraliser la scène. Ces soirées rencontrent un vrai succès et commencent à essaimer à Reims, ce qui me réjouit !


*Par le terme « Musiques Amplifiées », on désigne toutes les expressions musicales utilisant l’amplification électrique.

© Sylvere_H

La Cartonnerie
84 rue du Docteur Lemoine, 51100 Reims
cartonnerie.fr
instagram.com/cartoreims
instagram.com/lacartopourlesmusicien.nes/