Publié le 02 mars 2020
Temps de lecture : 4 minutes

Ian Caulfield

TEXTEALEXIS JAMA-BIERI
PHOTOSJACQUES HENRI HEIM
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Ian Caulfield est un jeune chanteur pop au nom rappelant Holden Caulfield, personnage mythique de L’Attrape-Cœur de JD Salinger. À première vue, on pourrait croire qu’il vient de sortir d’un film de Larry Clark. À l’écoute, on ressent la recherche d’authenticité du chanteur, avec des rythmes simples, semblant provenir du Hip Hop, des programmes DIY et une voix rappelant parfois Beach House. Mais c’est ce qui fait le charme de Ian Caulfield, car derrière l’apparence, rien n’est laissé au hasard, tout est voulu et recherché. Nous l’avons rencontré.  

Batteur depuis près de vingt ans, Ian Caulfield a joué dans plusieurs groupes, certains étant tombés dans l’oubli comme Supersocks, d’autres ayant atteint une certaine renommée, à l’instar du groupe pop rémois Rouge Congo. Insatisfait par la vie de groupe, Ian a décidé à l’automne 2017 de se lancer dans un projet solo. « Dans un groupe on n’est pas toujours satisfait de la manière de travailler des autres, il faut faire des compromis, être d’accord avec quelqu’un d’autre et on ne peut pas raconter ce qu’on veut. Et les compromis en musique c’est un peu dur. Avec ce projet, je suis seul, il n’y a pas d’engueulades, je fais mon truc comme je veux. De plus, jouer seul, c’est plus pratique pour faire tourner le spectacle, car ça ne coûte pas cher, ça ne prend pas beaucoup de place, ça peut convenir à beaucoup de salles et faire des premières parties. » Toutefois, Ian n’exclut pas de rejouer avec un nouveau groupe, mais un groupe qui se sera formé autour de son projet : « Si le projet prend de l’ampleur, je pourrai jouer avec des gens que ça intéresse vraiment. »

Plutôt solitaire, Ian a très jeune été plongé dans la musique : « Il n’y a pas de moment où j’ai découvert la musique car mes parents m’en ont fait écouter dès ma naissance. Ce qui m’a marqué ce sont des trucs anglais comme les Beatles puis plus tard les Arctic Monkeys et c’est ça qui m’a donné envie de chanter. » La littérature et l’enfance ont une place centrale dans l’inspiration du jeune Caulfield : « Ce qui m’inspire beaucoup, c’est mon enfance, mon imagination débordante sur tout ce que je découvrais et que j’ai un peu perdue en vieillissant. Je suis particulièrement influencé par un livre qui s’appelle L’Attrape-cœurs, et je me mets un peu à la place du personnage qui est un gamin. Toutes mes influences ne se ressentent pas forcément dans ma musique, mais j’aime bien les films de Woody Allen, la musique pop comme celle de Beach house et le Hip hop de Kendrick Lamar ». Sa playlist idéale s’articule notamment autour de All Alone de Gorillaz, Pile driver waltz d’Alex Turner et By the river de Pi Ja Ma.

Ian Caulfield qualifie sa musique de « pop, cinématographique, vocale en anglais et rythmique ». Pour lui, la composition est presque une quête : « Ça me prend beaucoup de temps à composer.

Il y a une idée qui me vient et je vais jusqu’au bout, même si ça dure deux semaines. » Comme beaucoup de compositeurs, il ne suit pas de schéma prédéfini : « Je compose plutôt à l’instinct. Ça change souvent car je travaille tous les jours sur mes morceaux, j’essaie plein de choses. Souvent, ça part d’un thème à la basse – même si je ne suis pas bassiste – ou de lignes rythmiques, c’est ce qui me lance dans les harmoniques après. Une fois que j’ai une bonne mélodie, j’écris dessus, une ligne, un refrain. En tout cas je n’écris jamais les paroles en premier. » Son premier morceau publié a été produit par Guillaume Brière (The Shoes). « Avec Guillaume on s’était déjà croisés plusieurs fois à Reims. J’avais quelques maquettes que j’avais envoyées au studio du Chalet, et je voulais réenregistrer les morceaux pour qu’elles sonnent mieux. Le studio m’a alors conseillé de faire ça avec un producteur, et j’ai tout de suite pensé à Guillaume. Je lui ai alors envoyé mes maquettes qu’il a particulièrement aimées, et il m’a proposé de m’aider. Du coup, le premier morceau que j’ai sorti début 2018, je l’ai fait avec lui. Ce morceau était destiné à présenter mon projet. Bien qu’il date pourtant de 2016, il représente bien le projet, son univers, ce que je veux défendre. »

C’est surtout en live que Ian Caulfield fait connaître ses chansons, jusque sur les scènes des festivals tels que l’Ami Ami festival en 2017, la Magnifique Society et le Cabaret vert en 2018. « Mon but c’est de faire le plus de concerts possible pour faire connaitre le projet. » Son live, il le conçoit par deux fois à la Cartonnerie, à l’occasion de résidences qui ont eu lieu en janvier 2018 et en mars 2019 dans la SMAC rémoise. Une préparation nécessaire pour Ian : « J’ai le trac à fond au début de mes lives. Les deux premières minutes, je suis un peu terrorisé dans ma tête puis je décompresse. Le fait d’être tout seul sur scène, ce n’ est pas évident, j’ai vraiment peur que les gens s’ennuient. Ce n’est pas comme dans un groupe où chacun peut amener son truc et où il y a une énergie collective. Pour mes premiers concerts solo, j’étais simplement accompagné de guitare et je trouvais ça un peu juste, alors j’ai ajouté un Pad, j’ai fait des choses plus visuelles, en alternant entre guitare, micro… Toutefois, je me suis rendu compte que, mine de rien, la guitare c’est un peu contraignant car je ne peux incarner qu’un personnage. » Pourtant, Ian confie avoir une affection particulière pour chacun de ses instruments. « C’est le copain de ma mère qui m’a fabriqué ma guitare à partir de pièces éparses trouvées sur internet. Elle a un son plus chaud que mon autre guitare qui est une Epiphone. Tous mes morceaux sont séquencés afin de pouvoir jouer par-dessus la guitare et le chant. » Un live a particulièrement marqué Ian Caulfield : « Le live à la Magnifique Society (2018) s’est fait dans des circonstances particulières, car des choses atroces s’étaient passées la veille, avec le décès d’une amie chanteuse rémoise (Paulette Wright), et j’ai beaucoup pris sur moi pour jouer sur scène. J’aurais pu annuler le live, mais si je n’avais pas fait ce live là je m’en serais voulu, car ça a permis aux gens de se voir et se rassembler en ce triste moment… Ce type de live, ça met à l’épreuve ».

Rémois de cœur, Ian Caulfield confie apprécier tout particulièrement la scène musicale rémoise : « C’est beaucoup de talent : The shoes, Alb, Yuksek, les Bewitched Hands, ce sont quand même des groupes et musiciens qui ont mis la barre assez haute ! Quand je suis arrivé à Reims je ne pensais même pas que je pourrais discuter ou collaborer avec eux. Ce qui est bien, c’est qu’ils sont tous accessibles. » Aujourd’hui Ian apprécie particulièrement  Slowglide. « C’est un pote, qui sait extrêmement bien mixer et qui transporte directement, et les Black Bones, un groupe génial, de bons copains, qui ont le don de donner la bonne humeur à tout le monde. » Ian conclut qu’il est très difficile pour lui de parler d’un groupe plus que d’un autre, tant ceux qu’il apprécie sont nombreux à Reims.