Publié le 06 octobre 2021
Temps de lecture : 4 minutes

Michael Woolworth, Éditeur d’œuvres d’art

TEXTECYRILLE JOUANNO
PHOTOSAtelier Woolworth / Photo de couverture : (œuvre de José María Sicilia) © Elisabeth Schneider
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Qu’il revête la casquette de l’imprimeur œuvrant pour des commanditaires venant avec leurs idées, ou celle de l’éditeur, lorsqu’il est lui-même à l’initiative de projets tels que la réalisation d’images et de livres d’artistes proposés à la vente, Michael Woolworth est une référence en France et en Europe.

Voici plus de 35 ans que Michael Woolworth, imprimeur et éditeur d’origine américaine, s’installait à Paris. Très vite, il se spécialise dans les techniques de lithographie sur pierre, avec impression exclusivement sur presses manuelles, il réalise également des œuvres en bois gravé, monotype, linogravure et eau-forte. Installé dans son atelier de la rue de la Roquette (Paris, 11e), il est aujourd’hui le seul à travailler uniquement à la main, sans avoir recours à la photogravure*. Un dispositif unique qui fait de son atelier une référence en France et en Europe. Michael Woolworth y travaille de deux manières. « Il y a l’argent court et l’argent long, sourit-il. L’argent court, ce sont les éditions des artistes que je choisis. Avant cela, il y a une rencontre, celle d’un artiste et de son œuvre. » Des artistes qu’on lui présente, d’autres qu’il découvre dans la presse ou lors d’une exposition, des personnes sur lesquelles des critiques, des galeristes ou des commissaires de sa connaissance attirent son attention. « L’argent long, ce sont les commandes que l’on me passe. Elles émanent de galeries, de musées, de sociétés, mais aussi d’artistes qui s’autoéditent, explique-t-il. L’activité s’équilibre à peu près pour moitié entre chacun de ces deux pôles. Nous ne pourrions exister sans l’un ou sans l’autre, qui s’autoalimentent. Les artistes avec lesquels nous travaillons nous permettent d’être régulièrement sollicités pour des commandes les concernant. »

L'atelier Woolworth
L'artiste Mirka Lugosi devant les oeuvres de Djamel Tatah.
Au mur, les oeuvres de Djamel Tatah.

Dans ses choix, Michael Woolworth, qui se dit « très éditeur », se laisse guider par ses goûts personnels qui tendent à l’éclectisme, plutôt que par la défense d’une ligne ou d’un courant artistique. « Je considère que je peux avoir des goûts très différents, comme en matière de musique, observe-t-il. J’aime écouter une musique différente selon les heures de la journée, mon état d’esprit. Il en va de même des œuvres que j’édite. Dans mes choix, je suis aussi très attentif à la relève, à ces jeunes artistes sans lesquels cet art peut disparaître. »

Un art de la collaboration
Au sein d’un atelier lumineux, avec ses deux collaborateurs permanents, le travail s’organise sur le temps long. Il s’agit d’un travail purement manuel, tant pour l’artiste qui va venir travailler directement sur la plaque, que pour le graveur qui va manipuler la presse. La réflexion prend plusieurs semaines. Le jour J, l’artiste rejoint l’atelier avec une idée, mais pas de modèle. « Parfois une esquisse, mais c’est finalement assez rare, souligne Michael Woolworth. C’est l’inspiration de l’instant et la puissance de la main qui guide le travail, c’est d’abord l’expression d’un corps sur la feuille. Et cela, le public le voit aussi. » L’éditeur définit son travail, comme un « art de la collaboration ». Pour avoir une image qui satisfasse l’artiste et l’imprimeur, il faut, précise-t-il, un jour ou deux de réglages et d’essais, dans le meilleur des cas. Mais, le plus souvent, ce processus de travail peut s’étaler sur une semaine, parfois plus. Les paramètres sont nombreux. « Cela dépend de l’idée que l’artiste se fait de son œuvre, de la comparaison des couleurs espérées avec celles que l’on retrouve au tirage, de la technique mise en œuvre, énumère Michael Woolworth. Souvent, cela ne va pas, nous sommes dans un cheminement pour tenter de trouver un effet précis. »

Jean-François Maurige et Michael Woolworth
Claire Chesnier
Claire Chesnier devant ses oeuvres.

Ce travail, il le compare souvent à celui qui était réalisé autrefois, avant l’arrivée du numérique, dans les studios d’enregistrement. On y trouvait l’artiste, le producteur, l’ingénieur du son, les musiciens, tous concourant à une même recherche et apportant chacun leur touche au projet. « Nous sommes en quête perpétuelle du mouton à cinq pattes, et j’ai l’impression que le public a conscience de cela » assure-t-il.

Comme un mode vie
Les grands tirages sont complexes à réaliser. « Il faut s’assurer que la matrice tienne le coup, explique l’imprimeur. On prend plus de risque et parfois, si cela ne fonctionne pas, nous devons repartir de zéro. Tout ce temps là n’est pas compté. Seul le résultat compte. Si nous l’évaluons mal, l’opération n’est plus rentable. » Pour Jean-Michel Othoniel, il a ainsi reçu commande de plusieurs images de grand format, en impression lithographique sur toile recouverte d’or blanc. Une œuvre unique, déraisonnable. « Plus qu’un caprice, réaliser des planches en formats surdimensionnés est devenu chez moi un mode de vie, un besoin », disait-il à l’époque. « Il a fallu compter près de deux ans de réflexion et cinq à six semaines pour parvenir au résultat escompté » se souvient-il. Pour l’artiste coréen Lee Ufan, il a réalisé une œuvre exceptionnelle. Un long rouleau de 5 mètres de long, pour 40 centimètres de large, qui se range ensuite dans une sorte de « coffret à champagne ». « Ici aussi, il nous a fallu un an de travail, entre la conception et l’élaboration des gravures, pour lesquelles nous avons dû inventer la presse adéquate. »

Expositions
Michael Woolworth aime exposer dans son atelier de la rue de la Roquette les figures de la jeune génération, à l’image de Maude Maris – qui a initié récemment sa première collaboration avec l’éditeur –, ou de Mélanie Delattre-Vogt. Il y aussi des artistes qu’il suit depuis plusieurs années comme Carole Benzaken ou Mirka Lugosi. « Mais j’aime aussi y présenter le travail d’Anne et Patrick Poirier, qui ont plus de 80 ans aujourd’hui et dont j’apprécie toujours autant les grands formats », ajoute Michael Woolworth. Autre découverte avec le travail de Claire Chesnier, créé de toute pièce pour l’exposition Les fleurs de mai, la dernière en date organisée par l’atelier. « C’est une recherche sur la couleur que je n’avais encore jamais vue, incroyable, qui nous a demandé 11 à 12 semaines de travail pour réaliser 20 pièces ». Ici aussi, l’atelier a dû inventer une technique particulière pour obtenir les effets souhaités. En quête perpétuelle du mouton à cinq pattes.

*Impression par des procédés photographiques et chimiques

Michael Woolworth travaillant sur le tarot de Thomas Perino.
Tarot de Thomas Perino

Atelier Michael Woolworth
2 rue de la Roquette
Passage du Cheval Blanc
Cour Février
75011 Paris

michaelwoolworth.com
instagram.com/michael_woolworth